Brahms et Bruckner par Rudolf Kempe à Munich

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Johannes Brahms (1833-1897) : Intégrale des symphonies, Variations sur un thème de Haydn.  Münchner Philharmoniker, Rudolf Kempe. 1974/1975.  Livret en allemand et anglais. 3 CD Profil Hänssler. PH20037

Anton Bruckner (1824-1896) :  Symphonie n°4 en mi bémol majeur dite « Romantique », WAB 104 (version 1878/1880) ;  Symphonie n°5 en si bémol majeur, WAB 105. Münchner Philharmoniker, Rudolf Kempe. 1975/1976. Livret en allemand et anglais. 2CD Profil Hänssler.  PH20038.


Profil Hänssler réédite en 2 coffrets dans bandes du légendaire Rudolf Kempe au pupitre de l’Orchestre Philharmonique de Munich gravées entre 1974 et 1976 pour le label BASF, filière musicale du géant allemand de la chimie. 

En 1967, le chef d’orchestre allemand est au sommet de sa carrière. Invité régulier des grandes salles d’opéra et des grands orchestres avec lesquels il enregistre régulièrement, il est désigné à la direction musicale de l’Orchestre Philharmonique de Munich. Kempe n’est pas un inconnu dans la ville de Bavière où il a présidé musicalement à la destinée de l’Opéra d’Etat de Bavière à l’orée des années 1950. Si le Philharmonique de Munich compte de nos jours  parmi les plus prestigieuses phalanges allemandes, il est alors un orchestre certes solide mais sans grand rayonnement international malgré une histoire de haut rang : Ferdinand Löwe, Felix Weingartner, Hans Pfitzner, Siegmund von Hausegger, Oswald Kabasta se sont succédés à son pupitre. Kempe succède au rigoureux mais peu médiatique Fritz Reger tandis que la phalange munichoise de prestige est alors l’Orchestre Symphonique de la Radiodiffusion bavaroise (Symphonieorchester des Bayerischen Rundfunks) fondé en 1949 mais qui, dirigé par Eugen Jochum puis Rafael Kubelík,  est auréolé de ses disques gravés pour DGG ou CBS. Sans contrat d’exclusivité avec un label particulier, Kempe va multiplier les enregistrements : intégrale des Symphonies de Beethoven et les deux Concertos pour piano de Brahms avec le jeune Bruno Leonardo Gelber pour EMI, premier enregistrement mondial de la Symphonie de Korngold pour Varèse Sarabande, quelques belles gravures pour CBS dont de remarquables concertos pour piano de Schumann, Grieg, Liszt et Tchaïkovski avec le jeune Nelson Freire ainsi qu’une épatante Symphonie n°9 de Schubert et un album cordes avec la Sérénade de  Dvořák, et les Métamorphoses de Richard Strauss. Le côté disparate de ce legs et le décès prématuré, en 1976, du chef d’orchestre contribuent à la relativement faible notoriété de ce mandat. 

Au début des années 1970, la multinationale de la chimie BASF ambitionne de se développer sur le secteur audio dont il est l’un des premiers fournisseurs par les matières premières qu’elle produit et qui se retrouvent dans les vinyles. Dans ce cadre, Kempe enregistre cette intégrale des Symphonies de Brahms et ce duo de symphonies de Bruckner. Ces bandes ont pas mal circulé sous des étiquettes souvent peu rigoureuses et Profil Hänssler nous en livre une commercialisation dans des conditions techniques satisfaisantes. 

S’il est identifié à Richard Strauss, Wagner ou Mozart, Kempe n’est pas foncièrement catalogué comme un chef brucknérien émérite et pourtant ces symphonies n°4 et n°5 munichoises sont de haute volée et portées par une excellence musicale. La direction est à la fois très construite et allante avec un sens du légato et des nuances. Il n’y a pas l’acuité d’un Jochum ou la dimension mystique d’un Celibidache, mais on écoute ces versions avec satisfaction et plaisir.  L’orchestre est un peu massif mais il s’adapte à la vision du chef. 

Avec Brahms, Kempe est à domicile et on lui doit tant de grands enregistrements, à commencer par sa phénoménale interprétation du Requiem Allemand à Berlin avec Dietrich Fischer-Dieskau et Elisabeth Grümmer (EMI). En matière de symphonies, Kempe est un multirécidiviste avec une intégrale au pupitre du Philharmonie de Berlin (EMI/ Testament), une Symphonie n°2 avec le Bamberger Symphoniker (World Record Club)  et une Symphonie n°4 avec le Royal Philharmonic Orchestra de Londres (World Record Club) et cette intégrale. Certes, le geste est altier et très architecturé au pupitre d’un orchestre munichois solide, mais c’est parfois un peu raide et démonstratif dans une sorte de perfection un peu académique comme une routine de très grand luxe. Il y a certes de beaux moments magnifiés par une direction attentive mais cette intégrale manque de reliefs et d’acuités. La prise de son, assez globale, n’aide pas non plus à bien apprécier les détails du travail sur les textures et ne peut rivaliser avec les standards de l’époque. Tant musicalement que techniquement, Karajan à Berlin (DGG) est autrement plus impactant. Les Variations sur un thème de Haydn proposées en complément sont intéressantes par leur fidélité au texte mais souffrent également d’une carence d’engagement.  

Son : 7 Répertoire : 10  Livret : 8 Interprétation : 9 (Bruckner) et 8 (Brahms)

Pierre-Jean Tribot

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