Breaking News : Tristan meurt dans un métro

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Vous croyiez bien connaître la tragique histoire de Tristan et Isolde, comment Tristan blessé gravement par Melot, agonisant dans le château de ses ancêtres, meurt de joie exaltée quand il apprend que le bateau d’Isolde entre au port, qu’elle va enfin le rejoindre… Vous aviez tort, comme vous le révèle un metteur en scène, Simon Stone.

C’est dans une rame de métro qu’il est mort ! Une rame de métro qui est le décor unique du IIIe acte. Avec des arrêts en de multiples stations, avec chaque fois montée et descente de nombreux voyageurs sociologiquement très représentatifs dans leur « diversité bien correcte » de ceux que l’on rencontre dans le métro parisien. Le merveilleux solo de cor anglais du début de l’acte est joué, dans cette rame, par un musicien-mendiant…

Au IIe acte, la merveilleuse rencontre nocturne entre les deux amants s’était déroulée dans un open space bien d’aujourd’hui. La navigation au philtre amoureux fatal du Ier acte avait eu lieu, elle, dans une sorte de yacht ostensiblement luxueux appartenant sans doute à un oligarque russe.

Attention : il y a de la dramaturgie là-dessous. Pendant l’ouverture, nous assistons à une soirée amicale avec échange de cadeaux, et découvrons que le maître de maison trompe son épouse avec une jeune femme. L’épouse imagine alors, dans une sorte de rêve, une ressemblance de ce qu’elle vit avec l’histoire de Tristan et Isolde, mais lestée de toutes sortes de considérations. Et l’opéra se vit en conséquence dans « les décors » de sa vie quotidienne. 

Au deuxième acte, dramaturgie toujours, pendant que les deux héros expriment leur amour dans sa fameuse relation au jour et à la nuit, dans sa fameuse relation à la mort, des couples de figurants les montrent se disputant, divorçant avec garde alternée d’un enfant, devenus vieux, lui en fauteuil roulant. Tel serait le destin des « grandes passions », des « amours éternelles » ! A ce moment-là, c’est particulièrement agaçant, car cela nous distrait pendant l’une des plus belles séquences de l’œuvre !

Une fois de plus, un metteur en scène enferme les spectateurs dans ses concepts au lieu de stimuler chez eux une compréhension multipliée de l’œuvre. Il manifeste aussi une tendance assez répandue à "la peur du vide" : il faut toujours montrer quelque chose, il faut toujours raconter des histoires en arrière-plan, il faut toujours beaucoup d’agitation.

La plupart du temps, cette façon de faire gâche complètement le plaisir qu’on espérait de notre rencontre -peut-être originalement bienvenue- avec une œuvre. Mais cette fois, notre plaisir a quand même été bien réel !

Wagner l’a emporté ! Et cela grâce à un chef et à son orchestre, grâce à Sir Simon Rattle et au London Symphony Orchestra. Quelle lisibilité ils donnent à cette fastueuse partition. Et surtout grâce à des voix extraordinaires, sublimes dans leurs rôles : celle de l’incomparable Nina Stemme en Isolde, celle de Stuart Skelton en Tristan.  Maîtrise vocale, engagement sans faille, expressivité. Quel bonheur de vivre cela en direct avec eux. Franz-Josef Zelig est un roi Marc poignant. Josef Wagner a, en Kurwenal, une belle présence au côté de Tristan. Linard Vrielink-un jeune marin et Ivan Thirion-un timonier se distinguent dans leurs apparitions. Jamie Barton-Brangäne et Dominic Sedwick-Melot complètent la distribution.

Aix-en-Provence, Grand Théâtre de Provence, le 8 juillet 2021

Stéphane Gilbart

Crédits photographiques :  Jean-Louis Fernandez

 

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