Crépuscule : le soleil couchant est beau en Auvergne. Schoenberg et Strauss magnifiés.

Arnold Schönberg (1874-1951), Verklärte Nacht, Op.4 (arrangement pour orchestre à cordes par le compositeur - seconde version de 1943). Richard Strauss (1864-1949), Metamorphosen für 23 Solostreicher  et Sextuor à cordes tiré de l’opéra Capriccio (Exclusivement en digital). Orchestre national d'Auvergne, direction : Roberto Forés Veses. 2019. Livret en français et en anglais. 66’ Label OnA. OnA 1.

Comme le dit Saint Paul dans première lettre aux Corinthiens : « J’aurais beau parler toutes les langues des hommes et des anges, si je n’ai pas la charité, s’il me manque l’amour, je ne suis qu’un cuivre qui résonne, une cymbale retentissante. »

Oui l’amour donne des ailes, il transcende les êtres fragiles et mortels que nous sommes et il nous invite tous à donner le meilleur de nous-même à l’image de cette Nuit Transfigurée composée par Arnold Schoenberg en seulement trois semaines à l’été 1899 pour témoigner de ses sentiments à Mathilde von Zemlinsky. Qu’ils devaient être grands si l’on en juge par la petite merveille qu’est cette œuvre encore romantique et aux sonorités wagnériennes. De nos jours pour dire « je t’aime » on envoie un texto ou un post sur Twitter... les temps changent !

Ici c’est le jeune Schoenberg qui laisse parler son cœur, à cette époque il n’est pas encore dans sa période dodécaphonique. L’interprétation livrée par l’Orchestre National d’Auvergne est passionnante et loin de l’aridité que l’on peut trouver dans d’autres versions. Roberto Forés Veses parvient à parfaitement mettre en valeur le côté aventureux de la partition qui, ne l’oublions pas, est encore en partie ancrée dans le post-romantisme. La nécessaire précision qui s’attache à l’exécution d’une telle œuvre n’exclut pas l’expression des émotions sous-jacentes tout au long de cette déclaration d’amour de près de trente minutes.

Après l’amour, le retour à la réalité et à ses déchirures avec Métamorphoses de Richard Strauss. L’œuvre d’un homme au soir de sa vie, une ode au désespoir face aux horreurs et aux destructions liées à la Seconde Guerre mondiale et plus particulièrement sur le territoire allemand. Nous sommes loin ici des amours entre Mathilde et Arnold. C’est le cataclysme ! Les troupes auvergnates nous livre l’œuvre telle qu’elle est, simple, nue et à fleur de peau. Réentendre un tel message à notre époque garde tout son sens. La destruction n’est plus matérielle mais morale et sociale. Comment reconstruire après un tel choc ? Et encore ce n’est pas fini... nous aurons encore besoin de Strauss dans un avenir proche. Du point de vue de l’exécution les cordes sont belles, émouvantes et graves. Le déchirement et l’abattement sont évidents, ils nous saisissent par le bras. L’excellente prise de son y est pour beaucoup. 

Comme on sait être généreux en Auvergne, la version digitale propose une troisième œuvre en bonus : le Sextuor à cordes tiré de l’opéra Capriccio dans sa version pour orchestre. Un petit cadeau qui fait plaisir à entendre même si nous ne sommes pas dans les mêmes sphères en termes d’intensité. Difficile de passer après une heure d’extase.

Ce nouvel enregistrement des Auvergnats (disponible pour la première fois également sur support physique) de Roberto Forés Veses parle avec une rare éloquence des choses de la vie. L’amour, la poésie, les émotions, la destruction, le crépuscule, la guerre... c’est ce qui le rend précieux et salutaire. Pour sortir de la crise, il nous faut non pas deux mais trois doses ! Deux de vaccin et une troisième mais cette fois à base de poésie, d’humanité et de transcendance grâce à l’OnA qui continue sa marche en avant pour notre plus grand bonheur.

Son : 10 – Livret : 10 – Répertoire : 10 – Interprétation : 10

Bertrand Balmitgère 

Le concerto pour violon de Beethoven magnifié par Alena Baeva et Roberto Forés Veses