Véronique Gens, la Voix humaine
C’est l’une des parutions les plus attendues de ce début d’année : le nouvel enregistrement de La Voix Humaine de Poulenc par Véronique Gens accompagnée de l’Orchestre National de Lille sous la direction d’Alexandre Bloch (Alpha). Alors qu’elle vient de triompher, en concert, à Lille et Paris, la grande chanteuse répond aux questions de Crescendo-Magazine.
La Voix humaine de Poulenc est une œuvre très particulière dans le répertoire lyrique. Qu’est ce que cette partition représente pour vous ? Quel a été votre premier contact avec elle ?
C’est une œuvre que j’ai longtemps eu peur d’aborder pour multiples raisons : la longueur de cette « scène lyrique », un monologue sans aucun répit ; sa durée avec quarante cinq minutes d’une intensité vocale et d’une violence psychologique que j’appréhendais beaucoup. C’était comme une chose inévitable et inaccessible à la fois. Il fallait être prête à de multiples points de vue : vocalement car l’orchestre est très lourd et large ; physiquement car c’est une pièce longue, et évidemment psychologiquement du fait de la violence incroyable. Jean-Claude Malgoire m’en a parlé le premier. Pendant des années, il m’a poussée à l’aborder ; j’ai finalement accepté de m’y frotter parce que c’était lui, parce que c’était dans l’intimité idéale du Théâtre de Tourcoing et de son Atelier lyrique où j’ai eu la chance de faire tant de prises de rôles. Il a assisté à la première et nous a quittés le lendemain.
L’interprétation de La Voix humaine a été marquée par des grandes artistes, Denise Duval, Janes Rhodes, Françoise Pollet, Felicity Lott. Est-ce que leurs interprétations sont pour vous une source d’inspiration ?
Bien sûr, j’ai vaguement écouté les versions dont vous parlez,…mais je n’aime pas trop essayer de copier les autres et j’aime bien me faire ma propre idée d’une pièce quand je l’aborde pour la première fois. J’ai beaucoup réfléchi au texte de Jean Cocteau et, comme je le fais toujours, j’ai tenté de le dire tout simplement, avec honnêteté et sincérité. C’est un texte très moderne, comme une simple conversation qui pourrait avoir lieu aujourd’hui ( sauf la dame qui vous met en relation avec votre correspondant, et l’autre dame qui écoute votre conversation…quoique …aujourd’hui on peut hacker votre téléphone !)
Qu’est-ce qui vous a poussée à enregistrer cette œuvre ? Est-ce qu’elle est l’aboutissement de votre réflexion artistique qu'incarnent les albums "tragédiennes" ?
J’ai passé une bonne partie de ma vie de chanteuse à interpréter des femmes trahies, trompées, abandonnées et malheureuses mais toujours amoureuses. Cette pièce est un concentré de toutes ces femmes désespérées, de ces tragédiennes folles amoureuses, et je commence à avoir une sacrée expérience de la façon dont je veux les interpréter. La clef est juste la sincérité. On ne ressort pas indemne de ces rôles lourds psychologiquement et on y laisse toujours une partie de soi, même si on sait que ce n’est que du théâtre.