Chostakovitch : contrastes symphoniques
En ce deuxième jour du “Chostakovich Festival : The Other Revolutionary”, c’est l’Orchestre Philharmonique Royal de Liège qui nous a accueilli dans la salle Henry Le Boeuf à Bozar. Au programme, deux pièces de Dmitri Chostakovitch et son orchestration des Chants et danses de la mort de Modeste Moussorgski.
C’est sous la baguette de Marko Letonja, qui remplace Michail Jurowski qui a dû annuler sa venue, que se déroule cette représentation. Le chef slovène, grand admirateur de Chostakovitch, est un habitué du compositeur. Il lui a, par exemple, consacré en 2019 un cycle de concerts avec l’Orchestre Philharmonique de Strasbourg.
Le concert débute avec la Suite Katerina Ismailova, op. 114a. La suite est une sélection d’extraits instrumentaux de l’opéra Lady Macbeth du district de Mtsensk. Composé en 1932, l’opéra rencontre un beau succès, jusqu’à la parution d’une critique, non signée, dans le journal du parti communiste Pravda. L'œuvre est alors interdite pendant près de trente ans. Une version censurée sera composée à la fin des années 1950 sous le nom de Katerina Ismailova. Malgré quelques petits soucis chez les vents au début de la pièce, c’est une très belle version que nous a proposé l’orchestre liégeois. Des musiciens très attentifs au moindre mouvement du chef et cela nous a offert une œuvre pleine de contraste.
Après cette introduction, nous avons pu entendre la voix profonde et puissante d’Evgeny Nikitin dans les Chants et danses de la mort de Moussorgski. Le chanteur russe nous a livré une prestation tout bonnement incroyable. Totalement dans son personnage, la basse nous a hypnotisé non seulement par sa voix, mais aussi par sa prestance scénique et son regard qui transmet toute la tension de ce cycle lyrique. En quatre parties, l'œuvre composée entre 1875 et 1877 et orchestrée en 1962 fait intervenir la Mort dans différentes situations. Dans le premier chant, elle vient chercher un bébé, dans le deuxième une jeune fille, dans le troisième un paysan ivre, et dans le dernier une troupe de soldats. Mais des problèmes de synchronisation et de balance entre les musiciens et le soliste ont un peu terni la prestation.
La deuxième partie proposait la Symphonie n°15 du compositeur russe. En quatre mouvements, l'œuvre fut composée en 1971. Dernière symphonie de Chostakovitch, elle est l’occasion pour lui de faire la synthèse de sa vie et de placer quelques citations à son répertoire, ainsi qu’à l’ouverture de Guillaume Tell de Rossini et Tristan und Isolde et De Ring des Nibelungen de Wagner. Le premier mouvement, Allegretto, est léger, enfantin et ponctué à de nombreuses reprises par le thème de Guillaume Tell. Le deuxième, Adagio, est un choral principalement consacré aux cuivres. Il est l’occasion de découvrir un peu plus quelques-uns des musiciens par le biais de nombreux solos. Certains, comme celui du violoncelliste ou du tromboniste, sont parfaitement joués. D’autres, tel que celui du premier violon, sont un peu timide et manquent de contraste. Le troisième mouvement, Allegretto, est plus sec, ornementé de nombreux staccatos. Et pour finir le quatrième mouvement, Adagio, est le plus long des quatre. Ici, c’est le thème “du Sort” de Wagner qui ressort plusieurs fois.
L’Orchestre Philharmonique Royal de Liège et Marko Letonja nous ont proposé un agréable concert, bien que loin d’être parfait. Certains passages de la symphonie n’était pas assez travaillés dans les détails et cela les rendaient moins intéressants. ll y a eu aussi des soucis d’écoute entre les musiciens lors de l’interprétation des Chants et danses de la mort. C’est dommage . Le point culminant de la soirée fut pour moi, l’intervention de Evgeny Nikitin qui était tout simplement magnifique.
Bruxelles, Bozar, le 26 février 2022.
Alex Quitin
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