Concertos napolitains avec Musica Fiorita

par

Concertos napolitains. Giambattista PERGOLESI (1710-1736) : Concerto pour violon solo et divers instruments ; Giovanni Battista MELE (1701-1752) : Sonate Decimaquinta pour flûte, violons et basse continue ; Francesco SUPRIANI (1678-1753) : Sinfonia pour violoncelle solo ; Francesco BARBELLA (1692-1732) : Sonata Terza pour flûte, hautbois et basse continue ; Stefano GALEOTTI (1723-1790) : Sonata Prima et Sonata Seconda pour violoncelle et basse continue ; Domenico SARRI (1679-1744) : Sonata Undecima pour flûte, violons et basse continue. Musica Fiorita, Daniela Dolci . 2019. Livret en allemand et en anglais. 65.27. Pan Classics PC10413.

Lorsqu’on déploie la pochette de cet objet discographique pour en retirer le CD à écouter, on découvre la reproduction d’un tableau de Gaspar van Wittel (1653-1736), éminent représentant du védutisme, ce genre pictural qui fait penser à la scénographie et qui consiste en une représentation de la perspective des paysages. Ce tableau date de 1700-1702 et est intitulé Le Pausilippe et le Palazzo Donn’Anna. On y voit des bateaux de plaisance richement décorés à l’avant-plan, le panorama fastueux du golfe de Naples et, en toile de fond, le Vésuve. Dans l’Antiquité, le Pausilippe était un lieu de villégiature recherché par de riches Romains qui y possédaient des villas. L’une d’elles, du 1er siècle, portait le nom grec de PAUSILYPON, qui signifie « lieu où finissent les chagrins ». Ce décor aux couleurs chatoyantes et chamarrées est la porte d’entrée de ce CD Pan Classics consacré à six compositeurs de notoriété relative. Si le nom de Pergolese est connu, ceux de Sarri, Barbella, Galeotti, Mele et Supriani ne le sont presque pas. De façon significative, on ne trouve aucune mention des quatre derniers personnages dans le Dictionnaire Biographique des musiciens en trois volumes de Baker-Slonimsky paru chez Laffont. C’est dire s’il est nécessaire de les situer brièvement dans l’univers de la musique italienne du XVIIIe siècle. A cet égard, la notice, dont nous nous inspirons, se révèle bien utile.

De Pergolèse, disparu à 26 ans, tout le monde connaît le Stabat Mater ; il a été Maître de Chapelle du Prince Colonna, écuyer du vice-roi de Naples. Il est mort de la tuberculose non loin de là, à Pouzzoles. Le seul concerto pour violon du programme, attribué à Pergolèse, comporte une structure en trois mouvements. L’aspect virtuose domine, ainsi que les passages techniques brillants, qui encadrent un Largo expressif. L’inspiration vivaldienne est présente. Le violoncelle est représenté par des pages de Galeotti et de Supriani. Le premier compositeur est peu explicité dans la notice, on précise qu’il a vécu et étudié à Amsterdam et à Gênes et qu’il a beaucoup écrit pour l’instrument, ce qu’attestent des copies de sonates conservées à la bibliothèque du Conservatoire de Naples. Les Sonata Prima et Seconda sont des exemples du style galant et ornementé dont il était coutumier. Quant à Supriani, il est l’auteur d’un ouvrage de méthodologie pour le violoncelle qui démontre le haut degré de virtuosité à laquelle la ville de Naples était arrivée au XVIIIe siècle. Sa Sinfonia en solo, qui est aussi une sonate en quatre mouvements avec basse continue, est un témoignage lyrique de l’art de ce créateur, qui ne néglige pas non plus la solennité.

La flûte est au centre des partitions de Mele, Barbella et Sarri. Né à Naples, où il a étudié au Conservatoire, Mele a fini par quitter sa ville natale en 1732 pour se rendre à Madrid, à la Cour du Duc d’Osuna. Il a essentiellement écrit pour l’opéra ; la Sonata Decimaquinta du CD serait sa seule composition instrumentale et daterait de sa période napolitaine. En quatre courts mouvements, elle alterne un Andante aux traits rapides, suivi d’une Fugue, avant un langoureux Adagio qui précède un Allegro conclusif en arpèges rapides. Barbella a travaillé à Naples dans les années 1720. La Sonata Terza pour flûte et hautbois du CD est la seule œuvre que l’on conserve de lui pour la flûte, une page riche en contrastes harmoniques et au matériel thématique plaisant. Pour Sarri, prolifique compositeur d’opéras, on possède un peu plus d’indications. Originaire des Pouilles, il est venu à Naples en 1686 et y est devenu Maître de Chapelle à la Chapelle Royale. Après la disparition d’Alessandro Scarlatti en 1725, Sarri prend possession de la scène napolitaine et brille dans le domaine lyrique, tout en devenant le directeur de multiples institutions religieuses. Il n’a pas négligé la musique instrumentale. Sa Sonata Undecima pour flûte et hautbois montre le style théâtral qui domine sa production, proche du chant, avec des mouvements où règnent la finesse de l’esprit et les rythmes populaires.

Ce programme varié est servi avec goût par l’ensemble Musica Fiorita dirigé par Daniela Dolci qui tient aussi les parties d’orgue et de clavecin. Les solistes sont German Echeverri au violon, Daniel Rosin au violoncelle et Priska Comploi à la flûte. Ils sont passés tous les trois par la Schola Cantorum Basiliensis, tout comme Daniela Dolci. On sent une grande complicité de tous les acteurs de ce répertoire, significatif de la qualité de l’école napolitaine de ce si passionnant XVIIIe siècle. Ce programme, qui enrichit la connaissance de cette époque et procure un plaisir d’écoute, a été enregistré en février 2019 à l’Adullam-Kapelle de Bâle.

Son : 9  Livret : 9 Répertoire : 8  Interprétation : 8

Jean Lacroix 

Vos commentaires

Vous devriez utiliser le HTML:
<a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <s> <strike> <strong>

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.