Concertos pour violoncelle des XXe et XXIe siècles avec Victor Julien-Laferrière

par

Henri Dutilleux (1916-2013) : Tout un monde lointain…Concerto pour violoncelle et orchestre ; Pascal Dusapin (né en 1955) : Outscape. Victor Julien-Laferrière, violoncelle ; Orchestre national de France, David Robertson (Dutilleux) et Kristiina Poska (Dusapin). 2021 et 2022. Livret en français et anglais. 54’39’’. Alpha 886. 

Retour au violoncelle pour Victor Julien-Laferrière après son premier album comme chef d’orchestre. A cette occasion, Alpha propose deux captations de concert pour une confrontation éditoriale bien pensée entre l’un des plus grands chefs d’oeuvre pour violoncelle et orchestre du XXe siècle : le Concerto Tout un monde lointain et le récent Outscape de Pascal Dusapin, l’un des plus grands compositeurs français vivants. Victor Julien-Laferrière est en compagnie de l’Orchestre National de France, capté sur la scène de Radio-France. 

En matière de Dutilleux, la phalange parisienne est certainement l’orchestre le plus affûté du monde, pour avoir donné les premières mondiales de la Symphonie n°1 et du concerto pour violon l’Arbre des songes, mais aussi pour avoir laissé tant de grands enregistrements avec Charles Munch, Mstislav Rostropovich, Charles Dutoit et Kurt Masur. Victor Julien-Laferrière livre une très belle lecture du concerto en alliant la sensibilité et la puissance servies par un son à la fois tranchant mais nuancé. On apprécie en particulier les mouvements “Regards” et “Miroirs” pour l’élégance racée d’une lecture idéalement poétique. L'Orchestre National de France est un partenaire attentif et adaptatif sous la baguette hautement expérimentée de David Robertson. Il n’empêche, on ne peut s'empêcher de penser à la plénitude de l’enregistrement magistral de Lynn Harrell et Charles Dutoit (Decca) avec ce même Orchestre National de France qui reste un étalon de la discographie. Mais dans tous les cas, cette belle interprétation s’impose comme une valeur sûre pour l’un des jeunes solistes les plus brillants de la scène actuelle. 

De son parcours concertant, Outscape est le second opus pour violoncelle de Pascal Dusapin après Celo (1997). Fruit d’une commande de grandes institutions musicales mondiales dont le Chicago Symphony Orchestra et le BBC Symphony Orchestra, cette partition se présente comme un seul mouvement assez granitique. On reconnaît d’emblée la patte du musicien français dans le traitement instrumental par blocs traversés de moments décantés qui mettent à nu une instrumentation économe mais suggestive. L'œuvre par ses contrastes de climats est presque un opéra de poche mené par la voix grave et sombre du violoncelle : le début de la partition est ainsi très réussi par l'addition au fil des mesures  des pupitres de l’orchestre en réponse au chant solistique. Outscape est à la fois touffu et lumineux, abstrait mais narratif, hiératique mais mobile, tant de sens contraires que Pascal Dusapin a toujours su relier dans des créations toujours très personnelles. Outscape est incontestablement une grande partition qui ne rougit pas d’être présentée en complément du chef d'œuvre de Dutilleux. Victor Julien-Laferrière est un interprète idéal qui rend toutes les facettes de ce diamant brut et minéral. L'Orchestre National de France livre une interprétation à la hauteur du soliste sous la direction affirmée et raffinée de Kristiina Poska. 

Un disque intéressant tant pour le répertoire que pour le développement artistique de Victor Julien-Laferrière. 

Son : 8 – Livret : 9 – Répertoire : 10 – Interprétation : 9,5

Pierre-Jean Tribot

Vos commentaires

Vous devriez utiliser le HTML:
<a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <s> <strike> <strong>

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.