Le Printemps des Arts de Monte-Carlo
Ce nouveau week-end du Festival du Printemps des Arts nous a réservé de superbes découvertes : des créations mondiales, des oeuvres de la deuxième école de Vienne, des partitions rarement jouées de Franz Liszt et de compositeurs français du début du XXe siècle.
Le concert de François-Xavier Roth avec une création mondiale de Gérard Pesson qui est cette année le compositeur en résidence du festival. Son concerto pour accordéon et orchestre Chante en morse durable est dédié à Vincent Lhermet, son interprète. C'est un enrichissement pour le répertoire de l'accordéon qui ne comporte que quelques rares concertos. Le concerto commandé par le Printemps des Arts est un véritable dialogue entre le soliste et le compositeur. Pesson a créé une musique qui est le reflet de la sensibilité et du jeu de Lhermet. Le soufflet est le coeur de l'instrument, mais aussi son poumon et son âme.
Le compositeur explore toutes les possibilités de l'instrument et nous découvrons une partition d'une intense poésie, pleine de douceur mais également virtuose, rythmée et éclatante de couleurs. L'orchestre est comme un résonateur de l'accordéon, on imagine un grand soufflet ajouté. Vincent Lhermet est fascinant, il est à la fois un virtuose accompli et un fin musicien. Avec François-Xavier Roth à la tête de l'orchestre, ils captivent le public enthousiaste.
Le Kammerkonzert pour piano, violon et 13 vents d'Alban Berg est une oeuvre qui se découvre et s'apprécie bien plus au concert qu’au disque. On retrouve Bertrand Chamayou -qu'on a entendu il y a deux semaines dans une intégrale inoubliable des Années de pèlerinage de Franz Liszt- dans un répertoire totalement différent qu'il maîtrise à la perfection. Il dialogue idéalement avec Renaud Capuçon qui excelle aussi dans tous les genres musicaux, de la musique baroque à la musique contemporaine. Les instrumentistes à vent des Siècles et François-Xavier Roth sont également brillants sur le plan du jeu instrumental. La nomenclature est impressionnante : en plus des cordes au grand complet, on dénombre cinq contrebasses, cinq cors, trois trompettes, trois trombones... Les cuivres des Siècles jouent cette oeuvre sur des instruments allemands et c'est une tout autre sonorité que celle des instruments français. Il n'y a pas assez de superlatifs pour qualifier cette interprétation.
C'est avec beaucoup d'émotion que François-Xavier Roth remercie le Printemps des Arts d'avoir offert à son orchestre, dont les musiciens sont indépendants (et sans subsides), la possibilité de se produire devant un public, pour un concert vivant, ce qui ne leur est plus arrivé depuis le mois de septembre.
Le dimanche est consacré à un double récital de piano sur la scène de l'Opéra Garnier à Monte-Carlo. Aline Piboule propose un récital extrêmement intéressant avec un choix d'oeuvres pour piano de compositeurs français du début du XXe siècle, totalement inconnus aujourd'hui : Gustave Samazeuilh, Pierre-Octave Ferroud, Abel Decaux et Louis Aubert. C’est le programme du disque récemment paru et primé d’un Joker Absolu de Crescendo-Magazine. Vivre ces oeuvres au concert est formidable tant ces partitions sont remplies de poésie.
En seconde partie, c'est Marie Vermeulin qu'on retrouve au piano. Au programme, Six chants polonais de Frédéric Chopin dans une transcription de Liszt, Six petites pièces d'Arnold Schönberg, une création mondiale de Marco Stroppa, Etudes paradoxales, et les Variations sur Weinen, Klagen, Sorgen, Zagen de Bach dans une transcription de Liszt. La prestation de Marie Vermeulin n'est pas convaincante. Elle joue trop fort, trop vite... la musique doit respirer. Le pauvre Bösendorfer est malmené. Le “bis” offre un bref moment de bonheur.
En prélude aux récitals d'Aline Piboule et de Marie Vermeulin, quelques pièces très
courtes de Gérard Pesson sont jouées par des élèves du Conservatoire à rayonnement régional de Nice. Petit "clin d'oeil", La lumière n'a pas de bras pour nous porter est interprétée par une jeune pianiste, Albertine Monnet. Il semble qu'Albertine soit la fille de Marc Monnet. La transmission musicale est passée …
Monaco, Grimaldi Forum et Opéra Garnier, 3 et 4 avril 2021
Carlo Scrheiber
Crédits photographiques : Holger Talinski
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