Des personnalités plus que des écoles

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La première session violoncelle du Concours Reine Elisabeth ne cesse de nous révéler des surprises de taille : haute qualité des concurrents, succès public inattendu, haute qualité des "imposés" tant celui de Annelies Van Parys (Chacun sa chaconne) en deuxième épreuve que Sublimation, oeuvre concertante de cette semaine des finales. Toshio Hosakawa qui en est le compositeur nous confie : "J'ai voulu exprimer le rapport entre l'homme et la nature. Le violoncelle représente l'homme, l'orchestre fait référence à la nature ou à l'univers autour de l'homme. L'homme, le soliste, veut entrer en contact avec la nature et le début de l'oeuvre offre une belle résonance entre l'homme et la nature. Mais la suite du concerto illustre une attaque, féroce, de la nature. C'est ce que nous vivons. La nature n'est pas toujours calme ni amicale. C'est ce que j'ai voulu explorer avec cette oeuvre. Outre la réalisation technique, ce qui me tient le plus à coeur est la réalisation musicale, cette voix intérieure que chaque finaliste trouvera au plus profond de lui-même"... En effet, tout un programme... Et on sera reconnaissant à Toshio Hosokawa d'avoir écrit cet "imposé" tant pour l"orchestre que pour le soliste.

Yan Levionnois

Yan Levionnois qui ouvrait la soirée de mardi donne de cette Sublimation une vision impressionniste qui nous fait progressivement entrer dans le chaos primordial où l'homme prendra sa place; de sa superbe sonorité et la souplesse de son jeu, il anime les cadences virtuoses face aux déchaînements orchestraux.
La vision d'Aurélien Pascal est davantage expressionniste et extravertie. Il construit avec l'orchestre et, dès le départ, on sent qu'ensemble, ils vont nous

Aurélien Pascal

mener à des climax; tout aussi à l'aise dans les pppp que dans la virtuosité, il fond sa sonorité avec celle des violoncelles de l'orchestre tout en affirmant sa présence. Une nature !
Yan Levionnois avait choisi le concerto de Dvorak, le premier des quatre que nous entendrons cette semaine. Le tempo d'entrée est plutôt lent, ce qui semble engendrer de petits soucis tant à l'orchestre qu'à l'entente avec le soliste. Cela peut s'arranger, mais non. L'alchimie ne prend pas : pas de suite organique dans le dialogue orchestre-soliste, chacun semblant y aller de son discours, le violoncelliste français est tout en intériorité jusqu'à parfois sembler ne pas être trop concerné, l'orchestre déploie une sonorité franche et directe loin de tout charme slave jusqu'à une atmosphère quasi militaire dans le troisième mouvement. Que s'est-il passé ?
Aurélien Pascal -pour qui l'on parle aussi de l'"école française"- est d'un tout autre tempérament. Ce qu'il avait proposé dans Sublimation nous laissait entendre que le 1er concerto de Chostakovitch était taillé pour lui. Dès l'entrée, il est dans le "double langage" propre au compositeur. Il est en totale connivence avec l'orchestre qui semble prendre un plaisir tout particulier à lui prendre la main. Rythmique implacable, concentration, intériorité et chant sensible dans le mouvement lent, une technique qui va de soi dans la cadence, un dernier mouvement enlevé. A aucun moment, Aurélien Pascal n'a laissé tomber la tension mais il l'a toujours plus accumulée. On n'est plus ici à un concours mais à un grand concert. Le public l'a bien ressenti en lui réservant une explosante ovation, pour beaucoup, "standing ovation". Un très grand moment.
Bernadette Beyne
Palais des Beaux-Arts, le 30 mai 2017

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