Deux concerts intimes, filmés chez Daniel Barenboim et chez Martha Argerich

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Private concerts at Daniel Barenboim’s and at Martha Argerich’s. Ludwig van Beethoven (1770-1827) : Trio n° 5 en ré majeur op. 70 n° 1 « des Esprits ». Daniel Barenboim, piano ; Michael Barenboim, violon ; Kian Soltani, violoncelle. Ludwig van Beethoven : 7 Variations sur « Bei Männern, weiche Liebe fühlen » de « La Flûte enchantée » de Mozart en mi bémol majeur WoO46. Robert Schumann (1810-1856) : Fantasiestücke op. 73. Frédéric Chopin (1810-1849) : Introduction et Polonaise brillante en ut majeur op. 3 ; Sonate pour violoncelle et piano en sol mineur, op. 65 : Largo. Johannes Brahms (1833-1897) : Vier Gesänge op. 70 n° 2 : Lerchengesang op. 70 n° 2. Martha Argerich, piano ; Mischa Maïsky, violoncelle. 2020/21. Pas de notice. Sous-titres en français et en anglais. 43.00 (Barenboim). 52.00 (Argerich). Un DVD Bel Air BAC 189. 

Deux documentaires invitent à partager un moment d’intimité musicale avec Daniel Barenboim et avec Martha Argerich, dans le salon de leurs maisons respectives, à Berlin, puis à Genève. Aucun lien direct entre ces deux films, si ce n’est, en guise d’intervieweuse, Annie Dutoit (°1970), professeur, journaliste, comédienne et fille de Martha Argerich et du chef d’orchestre Charles Dutoit. Chaque séquence propose des pages de musique de chambre avec des partenaires familiers, entrecoupées par de brèves conversations d’Annie Dutoit avec l’un et l’autre virtuose principal. Le mélomane qui aurait l’intention d’y puiser des informations inédites ou de première importance sera déçu : les échanges sont en réalité un tissu de lieux communs qui n’apportent rien de neuf, les questions de l’intervieweuse étant globalement assez superficielles et peu novatrices. 

Dans le premier documentaire, avant l’interprétation du Trio n° 5 de Beethoven et entre chacun de ses mouvements, Barenboïm, qui s’exprime (très bien) en français ou en allemand, évoque de vagues souvenirs d’enfance, parle de son intérêt pour la philosophie, de notre société où il est plus souvent question des droits de chacun que de la responsabilité individuelle face à la collectivité, ou de son émotion d’interprète musical. Il déclare être une personnalité optimiste et cite une anecdote autour d’Arthur Rubinstein qui suggérait de bannir la conjonction « si… » quand on parle du bonheur, celui-ci étant toujours possible. Quelques considérations sur l’œuvre de Beethoven choisie pour l’occasion s’ajoutent au tableau. Tout cela n’est pas du plus haut intérêt. Heureusement, l’essentiel est musical : avec son fils, le violoniste Michael Barenboim (°1985), et le violoncelliste Kian Soltani (°1992), Daniel Barenboim joue le Geister-Trio, dont les trois interprètes donnent une version souple et lyrique qui fait dire au pianiste qu’en fin de compte, il s’agit d’une musique qui convient idéalement aux dimensions « chambristes » du salon de sa maison où il reçoit le spectateur.

De son côté, pour le second documentaire, Martha Argerich a choisi un seul partenaire : Mischa Maïsky, ce qui n’étonnera personne, la complicité et la connivence entre les deux artistes étant un fait de longue date, souligné dès le début du film. La virtuose et sa fille sont côte à côte sur un canapé ; leur dialogue est plutôt compassé. Martha Argerich, qui s’exprime en français, se livre en fait très peu dans ses propos, parfois murmurés et pour lesquels il faut bien tendre l’oreille. On retiendra l’une ou l’autre réflexion sur son rapport au temps (elle veut vivre dans le présent), sur le fait qu’elle ne se sent pas à sa place lorsqu’on lui attribue des honneurs académiques, sur l’apprentissage continuel que constitue la musique, sur sa recherche incessante de nouveaux horizons stimulants, ainsi que sur la nécessité de la joie, voire de l’enthousiasme. On a droit aussi à d’évasifs souvenirs d’enfance peu éclairants. La musique passe, cette fois encore, avant l’information. Les œuvres jouées avec Maïsky, qu’il s’agisse de Beethoven, de Schumann, de Chopin ou de Brahms, sont bien rodées par le duo depuis des années et marquées d’un vrai partage commun. 

Il ne faut pas tenter de trouver dans ce DVD ce qu’il n’offre pas. Il ne s’agit pas de portraits construits, solidement articulés et préparés avec rigueur. Le seul intérêt de ces deux films réside, répétons-le, dans les interprétations musicales. La qualité des images laisse toutefois à désirer, le son étant par contre correct dans le cadre de ce projet, que l’on réservera en priorité aux fans les plus inconditionnels de Daniel Barenboim et/ou de Martha Argerich. La note globale tient compte du peu d’intérêt des entretiens.

Note globale : 6

Jean Lacroix

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