Double Chostakovitch avec Lahav Shani et Tugan Sokhiev
Kurt Weill (1900-1950) : Symphonie n°2 “Symphonic Fantasy” ; Dmitri Chostakovitch (1906-1975) : Symphonie n°5 en ré mineur, Op.47. Orchestre philharmonique de Rotterdam, Lahav Shani. 2018. Livret en anglais, allemand et français. 77’02. Warner. 190295 47834.
Dmitri Chostakovitch (1906-1975) : Symphonie n°10 en mi mineur, Op.93. Orchestre national du Capitole de Toulouse, Tugan Sokhiev. 2021. Livret en français, anglais et allemand. 55’39. 01902963777716.
Deux parutions Warner mettent des symphonies de Chostakovitch à l’honneur, deux parutions qui ont en commun de proposer deux chefs charismatiques de notre époque.
On commence cette évocation par l’album de Lahav Shani au pupitre de son Orchestre Philharmonique de Rotterdam avec un disque qui confronte la Symphonie n°2 de Kurt Weill à la célèbre Symphonie n°5 de Chostakovitch. Composées dans les années 30, ces œuvres sont contrastées de ton et de style. Exilé à Paris, Kurt Weill semble regarder avec nostalgie ses années berlinoises dans une œuvre à la fois mélancolique et éruptive. De son côté, Chostakovitch triomphait avec la Symphonie n°5, sorte d’hymne réaliste à l’homme soviétique. Les deux compositeurs ont en commun un don naturel d’orchestration qui fait briller les phalanges. Lahav Shani livre une lecture narrative et colorée de la Symphonie n°2 de Kurt Weill dont il rend les couleurs et la sève nostalgique. L’Orchestre Philharmonique de Rotterdam est techniquement exemplaire sous une direction galvanisante. Si la discographie est assez faible numériquement, elle est de qualité et elle reste dominée par la lecture plastiquement indépassable de Mariss Jansons au pupitre du Philharmonique de Berlin (Warner). Le cas de la Symphonie n°5 de Chostakovitch est plus complexe. Certes Lahal Shani maîtrise le discours musical mais, à l’image de pas mal de chefs, il a une tendance à surinterpréter les détails et à renforcer les contrastes. Si intellectuellement c’est impressionnant, au niveau du style, cela manque d’engagement et d'impact dramatique. Les références restent nombreuses : Mravinsky (Warner), Svetlanov (Melodiya), Sanderling (Berlin Classics), Haitink (Decca), Kondrashin (Melodiya)....Un disque de très haut vol mais qui nous laisse sur notre faim à cause d’un Chostakovitch surjoué.
A Toulouse, Tugan Sokhiev se confronte à la Symphonie n°10. Amorcé il y a deux ans avec cette excellente Symphonie n°8, ce parcours au disque vient brutalement de s'interrompre avec la démission du chef ossète de son Orchestre National du Capitole de Toulouse. Certes, le chef a beaucoup programmé Chostakovitch avec ses musiciens et il connaît les moindres recoins de ces partitions. Il mène donc une lecture impériale et parfaite tant en narration qu’en tension. La phalange toulousaine répond à toutes ses sollicitations avec un brio technique et une écoute mutuelle impressionnantes. C’est assurément l’une des meilleures lectures récentes de cette œuvre et cela témoigne de la qualité du travail de Sokhiev qui a profondément fait évoluer l’orchestre vers un niveau technique superlatif sur la place française.
Notons dans les deux cas des prises de son de grande qualité qui feront vibrer les hifistes les plus passionnés et les passionnés de beaux orchestres.
Lahav Shani / Rotterdam : Son : 10 – Livret : 8 – Répertoire : 10 – Interprétation : 9 (10 pour Weil et 8 pour Chostakovitch)
Tugan Sokhiev Toulouse : Son : 10 - Livret : 8 – Répertoire : 10 – Interprétation : 10
Pierre-Jean Tribot