Fred Frith et Musiques Nouvelles, l’exploration musicale d‘un paysage

par

Something About This Landscape For Ensemble. Fred Frith (1949-). Fred Frith ; Ensemble Musiques Nouvelles. 42’18" – 2023 – Livret : anglais. Sub Rosa. SRV536. 

On connaît Fred Frith, auteur, compositeur et multi-instrumentiste (la guitare est toutefois son instrument de prédilection, qu’il enrichit et transforme à l’occasion), pour son parcours de 10 ans avec le groupe Henry Cow (qu’il cofonde en 1968 à Cambridge), à la base du mouvement Rock In Opposition -dont le premier festival se déroule en 1978-, projet de musiciens défricheurs qui, en l’absence de support des maisons de disques, prennent en main eux-mêmes, au travers d’un réseau autogéré, la diffusion de leur musique -en Belgique, Univers Zero est de la partie. Depuis, les groupes (Art Bears, Massacre, Skeleton Crewn Fred Frith Guitar Quartet, Maybe Monday…) et les collaborations (Robert Wyatt, The Residents, Lol Coxhill, John Zorn, Brian Eno, Rova Saxophone Quartet, Ensemble Modern, Arditti Quartet …) s’accumulent, Frith vit un temps à New York, à Stuttgart, à Oakland, et sa patte musicale (il écrit aussi pour le film, le théâtre, la danse, en plus de son travail de production) se retrouve sur plus de 400 albums.

Pour son édition 2018, Ars Musica réunit le guitariste anglais et l’ensemble belge Musiques Nouvelles, sous la direction de Jean-Paul Dessy, pionnier de l’interprétation de la musique de création, autour de leur flagrant point commun : l’exploration et la recherche de nouvelles sonorités. C’est l’enregistrement de ce concert du 24 novembre 2018 qui se retrouve sur Something About This Landscape For Ensemble : trois pièces qui offrent une vue sur les habiletés, bien connues, de Frith-l’improvisateur et les talents, parfois à l’arrière-plan, de Frith-le-compositeur.

Il écrit le (long) morceau titulaire lors d'une résidence californienne au Parc National de Joshua Tree, dans la maison du compositeur américain Lou Harrison, inspiré par les paysages désertiques de ce lieu de silence et de lumière, dont la vie la plus visible est insufflée par les migrations d’oiseaux ; dès l’entame, on y retrouve les frottements, craquements et grincements électriques de la guitare, entre lesquels jaillissent les violons (Claire Bourdet et Laurent Houque) auxquels se mêlent, peu à peu, l’ensemble des instruments de l’orchestre : la fusion de sons bruts, parfois crus, et de velléités mélodieuses, comme sans cesse stoppées dans leur élan, tient d’abord en haleine, avant de laisser entrer l’intrigant, de casser l’ébauche de structure et d’offrir au trombone (Adrien Lambinet) d’étranges dialogues.

Dirty And Light, plaintif et hargneux à la fois, est une improvisation en public lors de ce même concert, tandis que Dark Under Stars, aux choix différents (plus aériens), émerge de la répétition générale, captée dans la journée, deux témoins d’un exercice plus familier pour Frith que pour Musiques Nouvelles, qui complètent une expérience d’ouverture, de rencontre, où les esthétiques se mélangent et s’apprennent les unes aux autres.

Son : 7 – Livret : 6 – Répertoire : 7 – Interprétation : 8

Chronique réalisée sur base de l'édition digitale.

Bernard Vincken

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