Frieder Bernius et le Kammerchor Stuttgart, une Missa solemnis sans âme en DVD

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Ludwig van Beethoven (1770-1827) : Missa solemnis op. 123. Johanna Winkel, soprano ; Sophie Harmsen, alto ; Sebastian Kohlhepp, ténor ; Arttu Kataja, basse ; Kammerchor Stuttgart, Hofkapelle Stuttgart, direction Frieder Bernius. Accompagné du documentaire « Von Herzen », consacré à Frieder Bernius. 2018. Livret en anglais et en allemand. Documentaire en allemand, sous-titré en anglais, japonais et coréen. 131.00 (dont 60.00 pour le documentaire). Un DVD ou Blu Ray Naxos 2.110660.

Frieder Bernius (°1947) fonde en 1968 le Kammerchor Stuttgart avec lequel il va se produire pendant une dizaine d’années dans un répertoire a cappella. Tout en poursuivant cette activité, il se lance dans la direction d’orchestre et dans l’univers du baroque historiquement informé. Il crée en 1987 le Festival de musique baroque de Stuttgart et prend en 2002 la direction musicale de la Hofkapelle de la même cité. Sa discographie est riche en pages de Bach, Beethoven, Mozart, Haydn ou Mendelssohn, mais aussi de Jommelli, Schütz ou Zelenka. Le label Naxos propose un hommage à Frieder Bernius sous la forme d’un enregistrement de la Missa solemnis de Beethoven, captée les 16 et 17 octobre 2018, en l’abbaye d’Alpirsbach (Bade-Württemberg) à l’occasion des cinquante ans du Kammerchor. S’agit-il d’une ultime répétition en public ? Les musiciens et les chanteurs sont en habits de tous les jours et Bernius dirige lui-même en chemise. C’est assez peu « solennel ».

La Missa solemnis, que Beethoven a mis plusieurs années à composer (1818-1823), est l’un des plus hauts sommets de la musique sacrée. Cette vaste partition à forte densité spirituelle réclame un investissement en termes de ferveur et d’architecture instrumentale et vocale. L’interprétation de Bernius et de ses troupes ne soulève pas un enthousiasme débordant. La conception du chef est certes cohérente dans la volonté de préserver le caractère religieux de l’édifice, mais on s’y ennuie parfois. Le Kyrie est abordé dans une spontanéité de bon aloi, avec une rythmique efficace, sans ostentation. Par contre, le Gloria n’atteint pas toujours l’intensité ni la part d’héroïsme qu’il réclame, Bernius mettant l’accent sur la lisibilité, au détriment de la permanence d’une tension expressive qui emporterait l’adhésion. Le Credo est par contre développé dans un climat plus jubilatoire et accroche l’attention. C’est le meilleur moment de cette version. Mais dans le Sanctus et l’Agnus Dei, une certaine placidité s’installe, comme si la sobriété était le climat à préserver en priorité. Le geste de Bernius manque d’éloquence et de continuité. L’orchestre et les choeurs sont cependant de qualité et les interventions instrumentales sont intéressantes (c’est le cas du violon racé de Daniel Sepec dans le Benedictus). Le quatuor vocal tire son épingle du jeu, sans nous enflammer ou nous émouvoir outre mesure. Quant au son et à l’image, ils sont bien ternes.

On pourrait dire que cette interprétation est de bonne routine mais pas indispensable. D’autant plus que sur le plan vidéographique, il existe des sommets magistraux : Karajan et le Philharmonique de Berlin (avec José Van Dam) ou Bernstein, avec Vienne, tous deux chez DG, mais aussi Harnoncourt avec Amsterdam chez Unitel, ou plus récemment, pour le même label, Christian Thielemann et la Staatskapelle de Dresde dans une vision très grandiose. 

Un documentaire de soixante minutes, sans sous-titres français, complète le programme. D’un intérêt relatif, il propose des extraits de répétition de la Missa Solemnis avec orchestre et solistes, ou des moments au cours desquels Bernius, au clavier, distille des conseils à des membres du chœur. De courtes conversations avec le chef, dans le jardin de sa maison, lui permettent d’évoquer des questions de style, de rythme ou de transparence, telles qu’il les conçoit pour faire vivre la partition de Beethoven. 

Note globale : 6

Jean Lacroix

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