Grandiose Schönberg par Thielemann

par

Arnold Schönberg (1874-1951) : Gurre-Lieder. Stephen Gould, Waldemar ; Camilla Nylund, Tove ; Christa Mayer, Waldtaube ; Markus Marquardt ; Wolfgang Ablinger-Sperrhacke, Klaus-Narr ; Franz Grundheber ; Sprecher. Sächsischer Staatsopernchor Dresden, MDR-Rundfunkchor ; Sächsische Staatskapelle Dresden mit Mitgliedern des Gustav Mahler Jugendorchesters, Christian Thielemann. 2020. LIvret en allemand et anglais. 2 CD Profil. PH 20052.

Pour son volume 50, la collection d’enregistrements de la Staatskapelle de Dresde, éditée avec la fidélité et la complicité du label allemand Profil, met les petits plats dans les grands avec les démesurés Gurre-Lieder d’Arnold Schönberg. A découvrir ce bel objet discographique et son superbe livret, on constate avec nostalgie que cette captation remonte au 10 mars 2020 soit quelques jours avec le premier lockdown ! Considérant le nombre de protagonistes requis par cette partition, on ne risque hélas pas de revoir ce chef d'œuvre de sitôt sur les scènes du monde. 

Dans l’entremise, ne boudons pas notre plaisir car ce live est un nouveau succès à créditer au chef allemand. Le premier atout de cette nouvelle version réside en effet dans la direction de Thielemann. D’emblée, il choisit une voie juste avec un travail sur les textures qui fait ressortir l’originalité de l'écriture du jeune Schönberg, qui tente alors de s’émanciper du néo-wagnérisme et regarde vers Debussy. Thielemann cisèle et fignole avec passion et dévotion ce matériau encore brut en lui conférant une plasticité et des couleurs irradiantes. Rompu aux fresques straussiennes et wagnériennes, il parvient à allier cette beauté de l’instant à l’élan dramatique, et sa baguette frappe comme l’éclair et galvanise les forces instrumentales dans les passages houleux ; mais Thielemann est également flexible et il fait virevolter les contrastes, faisant sonner cet ensemble avec puissance et légèreté ! 

La complicité avec son orchestre est indéniable et, malgré l’addition de membres issus des rangs de l’Orchestre des Jeunes Gustav Mahler, la sonorité veloûtée et lumineuse de la Staatskapelle de Dresde est reconnaissable entre mille. La distribution est du même niveau et propose quelques-uns des fidèles collaborateurs de Thielemann, à commencer par l’impressionnant trio composé de Stephen Gould (Waldemar), Camilla Nylund (Tove) et Christa Mayer (Waldtaube). Tous s'intègrent avec leurs qualités vocales à cet immense maeström musical avec, parfois, quelques petites difficultés dues à l’exercice du live. Les forces chorales de l’Opéra de Dresde et du chœur de la radio MDR sont un autre point fort de cette gravure par leur homogénéité, leur projection et leur engagement dramatique. Sur ce dernier point, ils sont foncièrement un personnage de l’action dramaturgique, tel un choeur antique. 

La discographie de cette partition est exceptionnelle car toutes les gravures oscillent entre le très bon et le génial ! Il est assez incroyable de constater qu’en dépit des défis musicaux des Gurre-Lieder, leur discographie soit à ce point qualitative et superlative. Certes, il y a les gravures de Kubelik (DGG), Boulez (Sony), Chailly (Decca), Ozawa (Philips), Mehta (Sony), Salonen (Signum), Rattle (EMI), Abbado (DGG), Gielen (SWR), Jansons (BR), Kegel (Edel) ou Stenz (Hyperion) ou Sinopoli déjà à Dresde (Teldec), mais cette nouvelle lecture de Thielemann est une immense réussite ! Après un album Strauss d’anthologie, un passionnant Requiem de Verdi, de magistraux Maîtres Chanteurs de Nuremberg, le chef allemand est indubitablement l’un des hommes en forme du moment. 

Son : 9 Livret : 10 Répertoire : 10 Interprétation : 10

Pierre-Jean Tribot       

 

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