Hip-Hop, bonheur baroque avec les Indes Galantes à Paris

par

« Les Indes Galantes » de Jean-Philippe Rameau, dirigé par Leonardo Garciá Alarcón, mis en scène par Clément Cogitore et chorégraphié par Bintou Dembélé

Enthousiasme unanime à Paris Bastille pour ovationner Les Indes Galantes de Jean-Philippe Rameau dans leur interprétation -Cappella Mediterranea de Leonardo García Alarcón, mise en scène -Clément Cogitore- et chorégraphie -Bintou Dembélé. Un bonheur baroque, un bonheur tout court.

C’est en effet ce que manifestement les deux mille cinq cents spectateurs de l’Opéra Bastille ont ressenti -et c’est ainsi chaque soir. Quatre heures de représentation qui filent, une mise en scène inventive, des trouvailles scénographiques judicieuses, des interprètes aussi talentueux qu’heureux d’être là, un émerveillement renouvelé. 

Dans la fosse, la Cappella Mediterranea de Leonardo Garciá Alarcón. Aux effectifs quasi doublés dans la mesure où il s’agissait, pour un ensemble baroque, de se faire entendre dans l’immense hangar-Bastille et non, comme de coutume, dans l’intimité relative du Palais Garnier. Pari réussi : non seulement, on les a entendus, mais surtout on s’est réjouis de ce que l’on entendait. Une fois de plus, Alarcón a proposé une lecture aussi cohérente qu’expressive d’une partition qu’il a sublimée par son travail musicologique et interprétatif ; ses musiciens l’ont suivi. Sur le plateau, quelques-uns des plus convaincants jeunes interprètes français : Sabine Devieilhe, Julie Fuchs, Jodie Devos (elle est Belge !), Florian Sempey, Edwin Crossley-Mercer, Mathias Vidal, Alexandre Duhamel, Stanislas de Barbeyrac. Présent également, et comment, le Chœur de Chambre de Namur, «soliste» nécessaire. 

Mais la réussite de l’entreprise est indissociable des options de représentation du metteur en scène -dont c’était le baptême à l’opéra- Clément Cogitore, connu jusqu’alors pour un travail cinématographique au confluent de l’art. Quelle imagination bienvenue, dans la caractérisation physique des personnages (d’une immense robe-papillon à un accoutrement policier robocop ou à des uniformes de majorettes), dans le surgissement d’éléments inattendus (un manège enfantin, un bras géant de grue, des podiums de défilé de mode), dans la fluidité et le rythme des enchaînements, dans les images scéniques, dans l’exacte adéquation aux intonations musicales.

Mais ce qui transcende le tout, c’est la chorégraphie, absolument « baroque » et donc merveilleusement baroque ! Expliquons-nous. Elle est due à Bintou Dembélé et à sa compagnie Rualité (un mot-valise : rue et réalité). C’est une danse d’aujourd’hui, combinant «Hip-Hop, Popping, Break Dance, Krump, Flexing, Voguing, Waacking, Electro», et d’autres encore sans doute. Nous voilà donc bien loin des canons d’une danse baroque reconstituée, archéologique, mais en plein dans l’esprit baroque du dépassement des lignes et de l’excès. Ils sont vingt-neuf danseurs sur le plateau ! Cela virevolte, cela part dans tous les sens, c’est virtuose, et cela se conjugue merveilleusement avec la partition.

Ce qui est remarquable, c’est que cette danse n’est pas une danse d’«intermèdes». Comme la partition, elle est constitutive de l’œuvre ! Et ce qui est remarquable encore, c’est que tout le monde, oui tout le monde, danse : les solistes, les chœurs, «tous ensemble, tous ensemble». C’est irrésistible. Et voilà que sur le plateau du respectable temple lyrique qu’est Bastille, se trouvent ainsi réunis, improbable rencontre, des chanteurs d’opéras et des «danseurs de rue». 

Baroque, éminemment baroque !

Crédits photographiques :  Little Shao, Opéra de Paris

Stéphane Gilbart

Paris, Opéra Bastille, le 13 octobre 2019

 

 

 

 

 

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