Hoviv Hayrabedian, baguette d’avenir
Le jeune chef d’orchestre Hoviv Hayrabedian est le fondateur et le chef d’orchestre de l’Orchestre BruMe - Bruxelles Méditerranée. Cet ensemble est un orchestre à géométrie variable dont la particularité est de réunir des musiciens issus essentiellement de Belgique et du sud de la France. Nous rencontrons Hoviv Hayrabedian en prélude au concert qu’il donnera le 8 avril à Tour et Taxis.
Qu’est-ce qui vous a motivé à créer l’orchestre BRU-ME ? Comment la musique peut-elle caractériser cet axe Bruxelles/Méditerranée ?
Cela fait plusieurs années que je travaille sur ce type de projets. J’avais d’abord créé un ensemble vocal à Marseille puis, en 2019, j’ai monté un orchestre pour jouer la Symphonie n°4 de Mahler lors de l’ouverture du Festival Courants d’Airs à Bruxelles. En 2021, j’ai été choisi pour diriger une série d’orchestre dans le cadre du plan de relance post COVID 19 de la DRAC PACA. J’ai profité de l’occasion pour fonder l’orchestre BruMe.
Je m’intéresse beaucoup à la notion d’exil. Les compositeurs des 20e et 21e siècles dont je me sens le plus proche sont presque tous des “exilés”. Je pense notamment à Stravinsky, Xenakis, Ohana, Moultaka ou Petrossian. Il y a quelque chose de tribal qui m’attire dans leur musique, une sorte de souffle primitif et en même temps avant-gardiste, que je reconnais chez Haydn, Beethoven et Liszt. J’ai l’impression que le point commun entre tous réside dans le fait qu’ils se sentaient citoyens du monde. Le nord et le sud ne sont pas géographiques. En France on parle de Paris et Marseille, mais aux États Unis par exemple, il s’agit des côtes est et ouest. Ce qui me fascine, ce sont les échanges et comment ils influencent notre musique.
Comment choisissez vous les répertoires que vous programmez ?
Plus jeune, mes choix étaient complètement régis par mes émotions. Si j’aimais une œuvre, il fallait absolument que je trouve un moyen de la programmer. Ce fut le cas avec la 4e de Mahler que j’ai jouée quand j’étais clarinette solo de l’orchestre de la francophonie à Montréal en 2017, puis avec Scheherazade plus tard. Ce dernier exemple est un peu particulier puisque nous l’avions programmé en avril 2020 et reporté en 2022 à cause de la pandémie. Lorsque j’y suis revenu, j’ai fait un gros travail de recherche sur la pièce et j’ai eu l’idée de l’associer avec une sorte de pendant moderne. C’est ainsi qu’Alex Recio Rodriguez a écrit une pièce pour l’orchestre que l’on a créée en Avril 2022. Depuis je travaille sur cette idée de mise en regard.
J’aime aussi beaucoup le concept de cycle. Par exemple, nous avons donné la 1ère Symphonie de Beethoven en juillet dernier et nous donnerons la 2e le 8 Avril prochain à Bruxelles. Je réfléchis à programmer les 9, associées à des œuvres en création. Ces confrontations vont nous permettre de créer un son d’orchestre propre.
La défense de la musique contemporaine vous tient à cœur, est-elle une ambition que vous tenez de free dating please?
J’ai en effet baigné dans la musique contemporaine depuis tout jeune, j’imagine que cela a pu influencer mes premiers choix.
Comment choisissez-vous les compositeurs contemporains mis à l’honneur ? Doivent-ils illustrer l’axe Bruxelles/Méditerranée ?
Comme je disais, cet axe n’est pas immuable. Alexandros Markeas est franco-grec, Alex Recio est espagnol mais vit en Belgique, j’ai rencontré lors d’un séminaire à Tallinn une compositrice Iranienne qui a étudié à Leipzig et qui y est désormais installée. C’est cette mixité qui m’intéresse.
Dans le dossier de présentation de l’orchestre, il est annoncé une volonté de “renouveau de l’auditoire !” Comment comptez-vous réaliser cette belle ambition ?
C’est évidement un travail de longue haleine mais c’est, je crois, le défi premier pour la musique classique. Nous devons tous nous mettre d’accord et travailler dans le même sens. Il faut accepter que les temps changent et que nous devons nous adapter. On entend souvent dire qu’il faut rendre la musique classique plus accessible, la décodifier et c’est vrai, mais je ne suis pas sûr que cela suffise pour ceux que l’on appelle en France les “publics empêchés”. Il faut je crois encourager la pratique amateure et comprendre que les amateurs sont notre premier public. Il ne suffit pas de proposer des concerts dans des ehpad, des prisons, ou des écoles “difficiles” mais envisager un travail sur le long terme qui implique une pratique régulière. Les amateurs avec qui je travaille et mes élèves viennent à tous mes concerts. Avec l’orchestre BruMe nous souhaitons rapidement mettre en avant cette pratique et c’est là que la musique contemporaine est très importante : par exemple, en imaginant un programme dont les musiques seraient inventées et travaillées par des amateurs, eux-même encadrés par les professionnels de BruMe, nous faisons d’une pierre deux coups. D’un côté nous nous engageons dans la formation et de l’autre nous fidélisons des publics.
De nombreux jeunes musiciens fondent des ensembles ? Le musicien du XXIe siècle doit-il être un entrepreneur ?
Chaque projet est une entreprise et les jeunes musiciens ont toujours eu des projets. Nous sommes tous des entrepreneurs d’une certaine façon.
L’Orchestre BRU-ME sera en concert le samedi 8 avril à la Salle des produits dangereux de Tour et Taxis à (19h) avec des œuvres de Alex Recio Rodriguez et Ludwig van Beethoven. Plus d’informations sur le site internet de Tour et Taxis