Jours heureux au Festival Enescu de Bucarest (2) : la musique symphonique

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Etonnant Festival Enescu ! La programmation d’une journée « normale » enchaîne récital de grand pianiste à 11h, concert de musique contemporaine à 13h, grands rendez-vous symphoniques à 16h30 et 19h30 et le mélomane très motivé pourra assouvir sa passion musicale jusqu’à des heures très avancées de la nuit grâce au concert baroque de 22h30. Prestige de la manifestation roumaine oblige, les interprètes appartiennent à l’élite musicale.

Pour la journée qui nous occupe ici, deux orchestres étrangers tenaient le haut de l’affiche. Le concert de l’Orchestre Philharmonique Royal de Liège est hélas une déception. Conçue en 1888 par le français Albert Galleron, la salle de l’Atheneum Roumain est certes une merveille architecturale mais son intimité ne favorise guère les tonitruances et éclats orchestraux. En dépit de spectaculaires accélérations jazz, le russe Denis Kozhukhin offre ainsi une interprétation beaucoup trop musclée des Variations sur un thème de Paganini de Lutoslawski et Rachmaninov. Bien qu’ayant déjà probablement dirigé dans cette salle, le chef Tiberiu Soare fait tomber l’orchestre liégeois dans la saturation acoustique.

En soirée, l’Oslo Philharmonic se produisait dans l’immense espace de la salle du Palais des Congrès de Bucarest. Actuel directeur musical de la formation scandinave (il laissera la place au jeune prodige Klaus Makela en 2020), Vasily Petrenko dirigeait tout d’abord une création du compositeur norvégien Oyvind Torvund (né en 1976). Dans ce poème symphonique Forest Morning, on songe à Strauss, à Rimski-Korsakov ou à un Lever du jour de Ravel qu’on aurait entrecoupé de gags potaches à l’électronique. L’optique résolument post-moderne de Torvund (mêler chants d’oiseaux et téléphone portable) reste cependant à mi-chemin de sa réalisation, puisque ni la féérie ni l’ironie ne paraissent ici entièrement assumés. L’œuvre, au style composite et impersonnel, s’avère cependant un beau véhicule pour l’orchestre d’Oslo.  Changement d’atmosphère avec le Concerto de Grieg. Altier, cristallin, audacieux, Leiv Ove Andsnes éblouit par la délicatesse immense de son toucher. Le pianiste norvégien met en avant l’intimité et la modernité de l’écriture soliste, tout en magnifiant les effusions lyriques de ce pilier du répertoire. Certes, ce Concerto de Grieg n’est pas le plus dansant ni le plus expansif, mais admirable de concentration, Andsnes offre un chant pianistique d’une époustouflante intériorité. Un Schubert en bis poursuit l’enchantement.

Le Concerto pour orchestre de Bartók conclura le concert sur une note mitigée.  Très soucieux de polyphonie, Vasily Petrenko soigne l’architecture de cette grande partition de 1943. Les intentions y sont, le fini instrumental également mais tout semble trop lisse, appliqué et monumental. Il n’y aura que dans l’épisode grotesque de l’Intermezzo interrotto où Bartók parodie la Symphonie Leningrad de Chostakovitch que le chef russe trouve l’esprit juste à une œuvre dont il enlève le tranchant et la verve coloriste. Le public roumain fait toutefois un triomphe à l’orchestre norvégien.

Crédits phorographiques : Tarlova

Festival George Enescu de Bucarest, les 13 et 14 septembre 2019

Laurent Vilarem

 

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