La densité sonore d’Hèctor Parra

par

Hèctor Parra (1976-). Ich ersehne die Alpen, Avant la fin… vers où ? Josefin Feiler, soprano. OBC Barcelona Symphony Orchestra, direction : Ludovic Morlot. 2025. Livret : catalan, espagnol, anglais. 63’32". Un album digital L'Auditori. LA-OBC-010.

Deux fortes pièces pour grand orchestre font ce nouvel album d’Hèctor Parra, compositeur catalan né à Barcelone, où il fait ses premières classes, avant de fréquenter, entre autres, Paris, Lyon et Genève pour compléter son cursus auprès de, notamment, Brian Ferneyhough, Jonathan Harvey ou Michael Jarrell : la Catalogne, économiquement privilégiée, est une région du sud de l’Europe à la culture musicale contemporaine particulièrement épanouie et Parra s’inscrit dans la lignée expressionniste de plusieurs de ses prédécesseurs – lui qui ne renie pas des orchestrations puisant dans le modus operandi post-romantique.

Le piano (l’instrument de prédilection, l’instrument-laboratoire, l’instrument-orchestre) et ses vibrations (quelles qu’en soient les sources) ; l’art plastique, du français Paul Cézanne, des compatriotes Joan Miró et Antoni Tàpies, qui façonnent la teinte, la matière, comme lui la pâte musicale (le transfert couleur-son qu’il perpètre avec le logiciel OpenMusic, des propriétés de l’une aux paramètres de l’autre) ; la physique fondamentale (que son père enseigne à l’université de Barcelone), ses forces et les gestes instrumentaux ; la biologie, des origines de la vie et de l’évolution, sont autant d’axes d’approche qui guident l’écriture du compositeur.

Monodrame pour soprano (Josefin Feiler, de Bautzen, en Allemagne), dispositif électronique et grand orchestre, Ich ersehne die Alpen, au texte de la plume de Händl Klaus (une collaboration répétée) mêle, dans la profusion de ses détails sonores, la voix (parfois poussée aux frontières de ses ressources), l’imposante orchestration (Ludovic Morlot) et les sons (échantillonnés par l’OBC Barcelona Symphony Orchestra) que l’électronique projette comme autant de fourmis métalliques (intrigantes) chargées de ronger la pierre, la glace – des Alpes.

Pièce instrumentale de grand orchestre (type bois par 3), Avant la fin… vers où ?, dont la partition date de 2017, se meut sans repos sur elle-même, vers l’intérieur, ombilicale ; elle gémit, se replie, se dévoile, s’étale comme une roche ancienne ses strates ; elle s’agite, englobe (son développement, de plus de 30 minutes, vous avale tout rond tel Moby-Dick la jambe du capitaine Achab), émeut, trouble et effraie – épique et héroïque, intense et intime. Des deux propositions d’Hèctor Parra, malgré une abondance expansive proche de la pléthore, c’est celle qui me convainc le mieux, celle dont la pulsion énergétique permet peut-être de se laisser aller.

 Son : 7 – Livret : 8 – Répertoire : 7 – Interprétation : 7

Bernard Vincken

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