La mélodie à son apogée

par

Guillaume Lekeu (1870-1894) : Trois poèmes – Hugo Wolf (1860-1903) : Italienisches liederbuch (extraits) – Gabriel Fauré (1845-1924) : Cinq mélodies de Venise, op. 58 – Serge Rachmaninoff (1873-1943) : Chest romansov op.4 (extraits) – Charles Koechlin (1867-1950) : Cinq mélodies op. 5 (extraits) – Sept rondels op.8 (extraits) – Ernest Chausson (1855-1899) : Chanson perpétuelle opus posthume 37
Marie-Nicole Lemieux (contralto), Quatuor Psophos, Roger Vignoles piano)
2014-DDD-63’-Textes de présentation en français et anglais- Naïve-V5355

Après L’Heure exquise en 2005, Marie-Nicole Lemieux nous revient au CD avec un enregistrement intimiste et personnel. Mais comme le rappelle l’artiste dans la brochure, « si le thème peut sembler mélancolique, la musique ne l’est pas tant que cela, même Rachmaninov ». En définitive, le travail thématique accompli par l’artiste repose sur la dernière décennie du XIXème siècle, une décennie riche d’innovation, d’accomplissement et de maturation dans le langage mélodique. Un programme en soi intime, expressif où se côtoient multitude d’ambiances et de dynamiques. Et puis cette volonté d’amener sur disque des compositeurs proches de la musique instrumentale fait de cet enregistrement un tout homogène. L’une des grandes qualités de ce CD réside simplement dans le choix des pièces relativement méconnues du grand public. C’est le cas avec les Trois poèmes de Lekeu dont le « Nocturne » est ici repris sous sa version en quintette mais aussi Koechlin et Chausson, compositeurs peu souvent chantés en concert et qui pourtant possèdent chacun un langage incroyablement expressif et développé. Et puis c’est aussi pour l’artiste l’occasion de présenter un répertoire qu’elle affectionne : « Ce programme est au final un beau voyage à travers l’Europe de la fin du XIXe siècle, illustré par des mélodies que j’aime, que j’écoute ».
Lorsqu’un artiste détient la possibilité de choisir ses programmes, il a tendance à aller plus loin dans le travail des partitions, dans la recherche de l’interprétation la plus juste et, de fait, dans l’expressivité de la ligne mélodique. Avec Marie-Nicole Lemieux, non seulement l’auditeur la perçoit entièrement investie, mais décèle très rapidement un dialogue autre que le simple duo soliste/accompagnateur. Ici, tant Roger Vignoles, dont la rencontre semble évidente et naturelle, que le Quatuor Psophos mettent brillamment en exergue l’artiste tout en construisant ensemble un son homogène où se fondent ambiances, symboliques, dynamiques et contrastes des différentes voix. D’un autre côté, le travail sur le timbre, sur le texte, pour lequel la diction est efficace et sur l’intonation sont tels que l’auditeur est emporté d’un bout à l’autre avec légèreté et délicatesse. Lemieux s’empare de chaque pièce avec une direction assurée, claire, apporte beaucoup de relief et ne pose à aucun moment le doute sur le choix de l’interprétation. Ce CD est l’occasion de redécouvrir une grande artiste dans un répertoire méconnu mais d’une grande sensibilité.
Ayrton Desimpelaere

Son 10 – Livret 9 – Répertoire 10 – Interprétation 10

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