L’étonnante Agnes Zimmermann

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Agnes Zimmermann (1847-1925) : Les trois Sonates pour violon et piano. Mathilde Milwidsky  (violon), Sam Haywood (piano). 2020-DDD-84’18-Textes de présentation en anglais-Toccata Classics TOCC 0541

A peu près inconnue de nos jours, Agnes Zimmermann fut une actrice de première importance de la vie musicale londonienne de la deuxième moitié du XIXe siècle. Née à Cologne en 1847, elle émigra à Londres avec ses parents dans les années 1850 et y étudia le piano et la composition à la Royal Academy of Music. 

Jusqu’à la fin du siècle, elle fit une brillante carrière de pianiste en Angleterre et en Allemagne, se produisant en récital comme avec orchestre, et pratiquant assidûment la musique de chambre avec des artistes du calibre des violonistes Joseph Joachim, Wilma Norman-Neruda et Emile Sauret ou du violoncelliste Alfredo Piatti, et donnant même des récitals à deux pianos avec Clara Schumann. Elle laissa également des éditions appréciées des sonates pour piano de Mozart et Beethoven, ainsi que des oeuvres complètes pour piano de Schumann. 

Tout au long de sa carrière, elle s’adonna à la composition mais publia assez peu. Les trois sonates pour violon et piano qui reçoivent ici leur premier enregistrement, montrent sa solide technique d’écriture et sa capacité à concevoir des oeuvres de longue haleine (écrites toutes les trois en quatre mouvements, elles tournent chacune autour des 28 minutes), tout comme sa parfaite connaissance des possibilités techniques des deux instruments. Défendues avec beaucoup de conviction par des interprètes probes et talentueux -le fin pianiste Sam Haywood et la plus extravertie violoniste Mathilde Milwidsky- les trois oeuvres (toutes en mineur et enregistrées ici dans l’ordre inverse de leur composition) montrent à la fois le solide métier d’Agnes Zimmermann tout comme sa parfaite connaissance de la musique de son temps. Et c’est ici que quelque chose d’étonnant se produit : au-delà des réelles qualités d’écriture de la compositrice, on a l’impression de se trouver face à une véritable éponge musicale. Qu’on ne se méprenne pas: ce n’est pas à une pâle imitatrice de Mendelssohn, Schumann ou Brahms (et dans une moindre mesure, Smetana ou Dvořák) qu’on a affaire ici, mais à quelqu’un à ce point pénétré du style de ces maîtres -surtout les deux premiers- qu’on pense parfois se trouver face à une espèce d’étonnant et talentueux caméléon musical qui aurait absorbé le style de ces compositeurs au point de le faire naturellement sien.

Ces oeuvres ont de la tenue et tout s’écoute ici avec intérêt et très souvent plaisir, notamment le charmant Scherzo et le bel Andante tranquillo songeur et très schumannien de la Première sonate, le touchant, lyrique et toujours schumannien Andante cantabile de la Deuxième, le Scherzo un peu salonnard et le Finale dansant et assez dvorakien de la Troisième mais, curieusement, rien ne marque vraiment. 

Les amateurs de musique de chambre méconnue de cette période apprécieront certainement cet intéressant ajout au répertoire qui aura certainement aussi beaucoup de succès lorsque vous inviterez des amis mélomanes à deviner l’auteur des œuvres : il ne devrait pas y avoir beaucoup de bonnes réponses.

Son 10 - Livret 10 - Répertoire 7 - Interprétation 8

Patrice Lieberman

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