La Symphonie n°7 de Bruckner par François-Xavier Roth, l’éloge de la simplicité. 

par

Anton Bruckner (1824-1896) : Symphonie n°7 en mi majeur (Edition Leopold Nowak, 3e édition révision 2003). Orchestre du Gürzenich de Cologne, Direction : François-Xavier Roth. Myrios. MYR 030.

Quels points communs existe-il entre Arturo Toscanini, Philippe Herreweghe et François-Xavier Roth ? En dehors de leur indéniable talent, ils sont parmi les rares chefs d’orchestre à offrir à l’auditeur une Septième Symphonie d’Anton Bruckner en moins d’une heure ! Roth va encore plus loin en pliant l’affaire en près de 57 minutes ! Performance rarement vue. Evidemment, une fois ce constat fait, une question s’impose logiquement… quel résultat ? Nous ne cacherons pas notre affection pour deux versions totalement opposées : Celibidache/Munich (EMI) tout en lenteur et en majesté quasi mystique d’une part, et d’autre part la vision presque ascétique de chef flamand, Herreweghe justement (Orchestre des Champs-Elysées/HM). Deux réussites totales comme une sorte de synthèse, d’Alpha et d’Oméga de la discographie. 

Dans cette optique la vision de François-Xavier Roth et de ses troupes de l’Orchestre du Gürzenich ne nous laisse pas insensible. Le tempo privilégié est bien évidement vif mais jamais précipité, le premier mouvement Allegro Moderato peut se déployer tout en grandeur, en solennité et en élégance. Roth ne sacrifie rien, ni les tremolos, ni les vibratos et encore moins l’expressivité de l’œuvre. On connait le tact et la « classe » dans toutes ses dimensions du Kapellmeister de Cologne, elle se vérifie encore ici. 

L’étouffant Adagio, véritable pierre angulaire de l’œuvre se révèle d’une inédite clarté presque bienveillante. C’est un exercice de style devenu courant dans le répertoire Brucknérien mais tout le monde n’y arrive pas avec autant de talent. Les esprits chagrins pourront regretter une baisse dans l’intensité et en matière de religiosité mais cela demeure contenu. Le charme opère. Il y a comme une pointe du meilleur de Mahler ici ou là dans cette interprétation, ce qui n’est pas pour nous déplaire. 

Le Scherzo est une belle réussite et conforme aux intentions du compositeur à savoir aussi rapide que possible. Dans ce troisième mouvement, le chef garde sa cohérence (comme toujours) et fait sien ce proverbe perse : « La précipitation vient du Diable ; Dieu travaille lentement. ». Mention spéciale pour les superbes flûtes colonnaises aux accents quasi Beethoveniens (Symphonie Pastorale) si ce n’est Schubertiens ? On ne fera pas de test de paternité mais la référence est clairement là. 

Le Finale n’ébranle pas cette cathédrale de finesse et de romantisme. Nous avons l’habitude de conclusions plus « kolossal », ici il n’en est rien. On a même un sentiment de sérénité qui se dégage et que seuls certains intervalles cuivrés viennent troubler. C’est sûr il faut adhérer… mais on efface quelques instants nos références plus anciennes, on se laisse prendre au jeu. 

Alors comment situer cette version sur l’immense échelle de Bruckner ? Impossible de jouer au jeu des comparaisons avec Jochum, Furtwangler, Böhm, Celibidache ou bien encore Karajan dernière mode. Roth se situe davantage comme une alternative intelligente et sur instruments modernes à Philippe Herreweghe et c’est déjà très bien !  La grenouille n’a pas besoin de se faire plus grosse que le bœuf. 

Son : 10 – Répertoire : 10 – Interprétation : 9

Bertrand Balmitgère

 

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