L’aviation et l’espace inspirent l’Américain Michael Daugherty

par https://www.crescendo-magazine.be/define-the-word-radiocarbon-dating/

Michael Daugherty (°1954) : Blue Electra, pour violon et orchestre ; Last dance at the Surf, pour orchestre ; To the New World, pour orchestre. Anne Akiko Meyers, violon ; Elissa Johnston, soprano obbligato ; Albany Symphony, direction David Alan Miller. 2023. Notice en anglais. 61’ 54’’. Naxos 8. 559955. 

Dans sa série consacrée aux « American Classics », le label Naxos a déjà proposé d’autres gravures du compositeur Michael Daugherty, qui lui ont valu plusieurs Grammy Awards. Né dans l’Iowa, ce créateur est passé par la Manhattan School of Music, avant Yale, puis Hambourg, où il a travaillé avec György Ligeti et, grâce à une bourse, Paris, où il a étudié à l’Ircam à la fin de la décennie 1970. Son catalogue est riche en pages symphoniques et concertantes et en musique de chambre. Son style est majoritairement tonal, même si, parfois, l’une ou l’autre dissonance rappelle des souvenirs de son séjour en Europe. Le présent album est un exemple éclairant de son style, avec des partitions récentes qui font la part belle à une inspiration vouée au monde de l’aviation ou à celui de l’espace. On les découvre en premières mondiales avec un vrai plaisir.

Blue Electra, pour violon et orchestre (2022) a été composé pour la soliste Anne Akiko Meyers (°1970), née en Californie d’un père américain et d’une mère d’origine japonaise ; talent précoce, elle a joué avec orchestre dès ses douze ans, sous la direction de Zubin Mehta et est diplômée de la Juilliard School. Ce concerto en quatre mouvements illustre quelques moments de la vie de l’aviatrice américaine Amelia Earhart (1897-1937), qui fut la première femme à traverser l’Atlantique en solitaire en 1932, avant de disparaître sans laisser de traces au-dessus de l’Océan pacifique, le 2 juillet 1937, en tentant de faire un tour du monde. Michael Daugherty, qui signe lui-même la notice, explique que le premier mouvement, Courage, s’inspire d’un poème de l’aviatrice écrit en 1928 sur la valeur de cette vertu. Le second mouvement, Paris, imagine qu’Amelia est l’invitée d’honneur d’une soirée dans la société « Hot Jazz » de 1932, alors qu’elle reçoit la Légion d’honneur. Suit une réflexion musicale, From an Airplane, autour d’un autre poème de la pionnière, qui rêve du jour où elle sera pilote, avant que Last Flight ne se réfère à sa disparition. Servie par des percussions, dont un glockenspiel aux effets mystérieux, la partition baigne dans une atmosphère qui fait penser à de la musique de film, avec un violon très lyriquement virtuose au cours de moments jazzy ou planants, qui conviennent tout à fait à l’hommage à la disparue. Daugherty se révèle un habile orchestrateur. La soliste, inspirée et engagée, et l’Albany Symphony proposent, de cette page colorée et accessible, une version enthousiaste. On rappellera que le destin de l’aviatrice a aussi inspiré l’Estonien Tönu Körvits dans The Sound of Wings, vaste partition en neuf parties chorales avec cordes (Ondine, 2022), dont nous avons souligné la beauté cosmique. Une autre façon de saluer Amelia Earhart…

Nous sommes toujours dans le domaine de l’aviation et d’événements tragiques avec Last Dance at the Surf (2021), une commande d’un festival de l’Iowa. Le 2 février 1959, dans la salle de spectacle du Surf Ballroom de la cité de Clear Lake, eut lieu un concert mémorable donné par la star du rock Buddy Holly, âgé de 23 ans, accompagné des musiciens Ritchie Valens et The Big Popper. Quelques heures plus tard, leur avion s’écrasait, en raison des conditions hivernales. Daugherty rend hommage aux victimes de ce funeste événement dans cette page symphonique de seize minutes qui fait la part belle à des rythmes qui allient le rock à des moment syncopés, enrichis par des woodblocks et des pizzicati de cordes, dans une ambiance baignée de lyrisme dramatique. 

L’espace et la célébration du 50e anniversaire de la mission d’Apollo 11, au cours de laquelle Neil Armstrong posa le premier un pied sur la Lune, le 20 juillet 1969, servent de support à la page symphonique To the New World (2019). On y entend des extraits d’un discours du Président Kennedy datant de 1962, qui annonce la volonté d’aller sur la Lune, ainsi que des phases du décompte et du lancement de la fusée ; la voix d’Armstrong pendant sa marche sur la Lune est aussi utilisée.  Cette page de circonstance est en trois mouvements, qui retracent le décollage d’Apollo 11, l’épisode lunaire et le retour sur Terre. On y trouve des allusions à la Symphonie du Nouveau-Monde dont Armstrong avait emporté un enregistrement avec lui, on entend un euphonium, dont l’astronaute jouait, des effets pour évoquer le thérémine, instrument dont Armstrong était un adepte, ainsi que des vocalises éthérées, confiées à la soprano Elissa Johnston. L’orchestration est généreuse, servie par des percussions ou des effets de glissando, l’atmosphère globale étant proche d’une musique de film, voire d’un documentaire ; le tout fonctionne de manière illustrative.  La   phalange d’Albany, ville de l’État de New York, se produit dans un esprit solide et très glorificateur, souligné par la baguette déterminée de David Alan Miller, son directeur musical depuis plus de trente ans. 

Son : 9    Notice : 10    Répertoire : 8    Interprétation : 10

Jean Lacroix  

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