Le laboratoire napolitain de Rossini
Gioachino Rossini (1792-1868) : The Rossini Project Vol II. From Naples to Europe (1815-1822). « Ermione », Sinfonia ; « La Riconoscenza », Cantate pastorale ; Cavatine « De’gigli nel candor » extraite de la Cantate « Il vero omaggio » ; Cantate à quatre voix et chœur « Slenda vivissima d’Imen la face » ; « Elisabetta, regina d’Inghilterra », Sinfonia. Edgardo Rocha, Fileno ; Michela Antenucci, Argene ; Laura Polverelli, Melania ; Mirco Palazzi, Elpino. Coro della radiotelevisione svizzera ; Orchestra della Svizzera Italiana, Markus Poschner. 2019-62’07-livret italien et anglais-textes en italien-chanté en italien-OSI2118
Enregistrée pour la première fois, la cantate pastorale La Riconoscenza de 1821 à laquelle s’ajoute la cavatine De’ gigli nel candor suffirait à attirer l’attention sur ce projet consistant à mettre en valeur des pages peu connues du maître de Pesaro. Bien que les œuvres soient présentées dans un ordre un peu confus, le génie rossinien à l’aube de sa maturité s’impose dès la première seconde. On reconnaît maints airs, précurseurs ou réutilisés ailleurs ; ce n’est guère surprenant à une époque où le compositeur âgé d’à peine plus de vingt ans a déjà signé quatorze opéras lui assurant une brillante renommée qui s’étend au-delà de la Péninsule.
« Le Projet Rossini, volume II » se focalise sur des partitions élaborées précisément à l’époque où le rénovateur de l’opéra italien était sous contrat avec l’impresario napolitain Domenico Barbaja, surintendant des théâtres du Royaume. Période faste par ailleurs dans sa vie privée : il rencontre alors la fameuse soprano qui plongeait Stendhal en extase, Isabella Colbran. Elle deviendra sa première épouse.
Dans cet enregistrement, le chef Markus Poschner a donc choisi de présenter en première mondiale la cantate pastorale la Riconoscensa (1821) et une cavatine extraite d’une autre cantate Il vero Omaggio écrite l’année suivante. Auparavant, Elisabetta aura conquis le petit Royaume latin où les avanies politiques troublent à peine le bouillonnement musical. Magistral galop d’essai, cette reine d’Angleterre précède d’une petite année le triomphe du Barbier de Séville à Rome ; jalon important également en ce qui concerne la méthode du compositeur car c’est à partir de là qu’il écrit expressément les ornements qu’il souhaite voir exécuter.
En guise d’introduction, la Sinfonia d’Ermione (1819) inspirée de l’Andromaque de Racine illustre le formidable pouvoir de suggestion dramatique du musicien. On y trouve un concentré de l’art rossinien -variété des rythmes, nuances, effectifs, le tout dans l’urgence d’une accélération, véritable signature du Cygne de Pesaro. Quant à La riconoscenza précitée, il s’agit d’un hommage offert à Marie-Louise de Bourbon Parme, Reine d’Etrurie, Duchesse de Luques, en compensation d’une commande qui ne fut jamais honorée. Quatre bergers (soprano, mezzo, ténor et basse coloratures) et un chœur joignent leurs voix pour célébrer les vertus de l’ « Auguste Dame ». Cet adieu triomphal au public napolitain rutile de virtuosité, d’une grâce lumineuse où l’on savoure l’art de la « conversation en musique » typique du belcanto. On remarquera des airs pour ténor farcis de contre-ut, de vocalises aussi agiles que véloces (Gratitudine, cara ai Celesti), de délicats duos féminins, terzetto ou encore ensembles avec aria soliste sans oublier le bref concerto pastorale, air de chasse auquel répond la cantate à quatre voix et chœur masculin présentée à part (index 10). Irisée d’ornements légers comme l’écume, l’aria d’Argene Al conforto inaspetto illustre à elle seule l’excellence d’une interprétation confiée à des chanteurs et musiciens parfaitement rompus au style du « Grand Lama ».
Bénédicte Palaux Simonnet
Son 10 – Livret 8 - Répertoire 10 – Interprétation 10