L'émancipation de Debussy sur Wagner et un compositeur lillois à l'ONL

par

Richard Wagner (1813-1883) : Le Vaisseau fantôme, Ouverture en ré mineur
Edouard Lalo (1823-1892): Concerto pour violoncelle et orchestre en ré mineur
Claude Debussy (1862-1918) : Prélude à l'après-midi d'un faune - La Mer, trois esquisses symphoniques
Orchestre National de Lille, Jean-Claude Casadesus, direction – Henri Demarquette, violoncelle – Fernand Iaciu, violon solo

Programme riche en couleurs ce mercredi à Lille. Avant La Mer de Debussy, Jean-Claude Casadesus commence la soirée avec l'Ouverture en ré mineur du Vaisseau fantôme. Célèbre page wagnérienne, le chef parvient aisément à modeler et structurer l’œuvre. Des tutti magistraux aux pages plus poétiques, belle démonstration de l'ONL pour sa capacité à gérer nuances, dynamiques et justesse. Très naturellement, les deux thèmes (le Hollandais et Senta) sont parfaitement interprétés. Battue énergique, précise qui développe contrastes et lignes musicales avec fluidité. Le Concerto pour violoncelle et orchestre d'Edouard Lalo conclut cette première partie. Pour notre plus grand plaisir, Henri Demarquette interprète l’œuvre avec passion et exaltation. Contact permanent avec le chef, brillant accompagnateur ce soir. Aucune vulgarité dans le discours musical mais bien une construction idéale des phrasés, des dynamiques. L’introduction du premier mouvement est rudement bien menée tandis que le premier tutti est teinté de vivacité. Dès l'entrée du soliste, l'auditeur est captivé par un son riche, expressif, poétique et surtout naturel. Henri Demarquette transmet par son instrument toutes ses émotions avec facilité et décontraction. Aucune surabondance de l'orchestre qui offre une pâte sonore délicate pour les passages expressifs et passionnée pour les moments plus dramatiques. Le second mouvement propose deux parties très contrastées. Le mouvement lent traditionnel amène un scherzo dont le climat et l'ambiance espagnole (chers à Lalo) sont caractérisés avec délicatesse et précision par Casadesus. Partie rapide où la ligne du violoncelle chante avec simplicité, appuyée par un accompagnement pétillant des notes piquées des violons et vents, elle est amenée par une partie lente, également expressive. Contrastes saisissants avec le scherzo. Chaque acteurs de cette œuvre est à l'écoute de l'autre, permettant ainsi osmose et atmosphère idéale. Le dernier mouvement démarre avec brio. Belle énergie et homogénéité avec le violoncelliste qui s'offre parfois des libertés, forçant l'orchestre à le suivre. Dansant et dynamique, Demarquette conclut l’œuvre avec le même panache qu'au commencement. En bis, il offre au public une lecture intime d'un Prélude en ré mineur de J.S Bach. Nul besoin de préciser que toute cette première partie fut dans la tonalité de ré mineur...
La seconde partie de soirée débute avec le Prélude à l'après-midi d'un faune de Debussy. Grande liberté laissée à la flûtiste solo. Son thème, qui va se déployer et se développer tout au long de la pièce, est simple, naturel et sans aucun maniérisme. Même remarque pour le hautbois. D'un tempo allant, la battue du chef se veut en perpétuel mouvement. Plus de souplesse et de respiration auraient permis des transitions parfaites et des effets sonores impressionnants. En revanche, timbre exquis, atmosphère chaleureuse et apaisante. Le motif en ré bémol majeur (proche d'un Nocturne de Chopin) est tendre et les soubresauts du cœur dans les phrases suivantes sont enivrants.
Ce sont les trois esquisses symphoniques de La Mer de Debussy qui concluent la soirée. Dans un tempo adéquat, De l'aube à midi sur la mer est expressif et bien maîtrisé. Structure acquise par le chef qui adopte alors une battue souple et musicale. Longue phrase musicale amenant un crescendo final éloquent, le premier volet laisse place à Jeux de vagues. Une fois de plus, la symbolique de cette page est brillamment conduite. Atmosphère très proche de l'eau et de son mouvement perpétuel. Scherzo léger aux archets précis et vents justes. Transitions réussies et respirations convaincantes. Enfin, le dernier volet nous rapproche davantage de la peinture impressionniste. Conclusion en forme de dialogue parfaitement maîtrisé tant pour les vents que les cordes et percussions.
Soirée exquise donc pour l'Orchestre National de Lille qui jouera ce programme structuré avec intelligence ce vendredi 7 mars au Palais des Beaux-Arts de Bruxelles.
Ayrton Desimpelaere
Nouveau siècle, Lille, le 5 mars 2014

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