Leonard Slatkin, chef d’orchestre 

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On ne présente plus Leonard Slatkin tant le maestro étasunien est un grand nom de la vie musicale. Collaborateur régulier des grands orchestres, il est l’un des plus grands connaisseurs de l‘orchestre que ce soit par son immense discographie, ses articles ou ses livres sur le sujet. Tandis qu’il est avec son ancien Orchestre National de Lyon, pour finaliser un cycle Ravel, il répond à nos questions avec une célérité et une rapidité qui pourraient donner l’exemple à nombre de ses collègues musiciennes et musiciens.   

Vous êtes actuellement à Lyon pour compléter votre cycle Ravel pour Naxos. Comment est né ce projet d’enregistrer toutes les partitions de Ravel, absolument toutes, y compris les raretés comme Antar ou les Cantates de jeunesse ? 

Assez souvent, les personnes considèrent que Ravel n'est pas l'égal de Debussy. Pour moi, le degré de sophistication musicale et de brillance de la pensée originale de Ravel n'est pas entièrement reconnu. Lorsque je suis devenu directeur musical de l'Orchestre National de Lyon, ma première pensée a été d'essayer d'enregistrer les œuvres avec orchestre de Ravel. Naxos était très intéressé par cette ambition et le projet a pris forme. Jusqu’à présent, nous avons publié huit volumes y compris les deux opéras l’Heure espagnole et l’Enfant et les Sortilèges, sans oublier ses orchestrations comme celle du Carnaval de Schumann ou le Menuet pompeux de Chabrier. 

Est-ce que votre perception de Ravel a changé au cours de ce long voyage à travers ses partitions (l’enregistrement du cycle a commencé en 2011) ?

Il n'y a pas beaucoup de compositeurs qui n'ont pas écrit une seule mauvaise pièce ! Peut-être que les premières œuvres d'étudiants de Ravel ne sont pas de la même qualité, mais une fois qu'il est devenu une figure de la scène musicale française, il est presque impossible de trouver une partition qui ne soit pas de la plus haute qualité. Au cours du projet, il y avait quelques œuvres que je ne connaissais pas, et ce fut un plaisir de voir l’évolution continue de Ravel en tant que compositeur et musicien.

Vous êtes également un champion de la musique Copland. Est-ce qu’il y a des liens entre Ravel et Copland ?

Tout au long de ma carrière, j'ai enregistré presque toutes les œuvres orchestrales de Copland. Il est né en 1900 et il est décédé 90 ans plus tard ! Il a donc pu, tout au long de sa vie, observer et accompagner le développement du paysage musical aux Etats-Unis. Ravel est surtout resté avec un style de composition de base qui a défini sa carrière, tandis que Copland a changé avec le temps. Il a commencé comme moderniste, influencé par les compositeurs européens et le jazz, puis il est passé à un paysage sonore typiquement américain, puis il a adopté la méthode de composition sérielle au début des années 1960. On pourrait dire que Ravel poursuivait la voie avancée par Fauré et Debussy, mais Copland c’est l'Amérique pure.

Vous revenez à Lyon où vous étiez Directeur musical. Est-ce qu’il y a une satisfaction particulière à revenir diriger "votre" ancien orchestre ? 

Pour sûr ! L’Orchestre National de Lyon a joué un très grand rôle dans ma vie. C'était le seul orchestre non anglophone dont j'ai occupé la fonction de directeur musical. Mon principal professeur de direction était un Français et il m'a appris ce répertoire. Surtout, j'ai adoré faire de la musique avec cet orchestre. À ce stade, je me sens encore très connecté avec les musiciens, presque comme si je n'étais pas vraiment parti.

Vous avez publié, sur votre site internet, un hommage à André Previn. En quoi était-il une figure importante dans la vie musicale?

André était l'un des membres de l’élite musicale hollywoodienne. Je l'ai d'abord connu comme grand pianiste de jazz, puis comme compositeur et bien sûr comme chef d'orchestre. Nous avons partagé le même sens de l'humour et le même grand respect mutuel. En raison de ses capacités à écrire et à jouer dans tant de styles différents, nous avons trouvé des domaines où nous étions similaires. Il me manque beaucoup.

Vous êtes aussi un compositeur. Est-ce que vous trouvez encore du temps pour composer ?

Maintenant que je ne suis plus directeur musical nulle part, j'ai en effet plus de temps non seulement pour composer, mais aussi pour écrire des livres et des articles. En plus, j'aime voyager et cuisiner ! Et chaque fois que c’est possible, vous pouvez toujours me trouver dans une salle de cinéma à regarder autant de films que je peux !

Vous avez une immense connaissance des orchestres. Que pensez-vous de l'évolution des orchestres depuis vos débuts en tant que chef d'orchestre. Sont-ils techniquement meilleurs ?

C’est une bonne question. D’une manière générale, les capacités techniques des orchestres se sont beaucoup améliorées partout dans le monde. Tant d’orchestres peuvent, de nos jours, très bien jouer n'importe quelle partition. Mais cela a un prix ! Parce que nous acceptons dans chaque orchestre des gens issus de cultures différentes, nous commençons à perdre l'individualité qui a fait d’un orchestre une phalange particulière. C'est comme si nous étions maintenant un grand ensemble homogène, avec des différences à peine perceptibles. À bien des égards, je souhaite le retour d’une partie de l'éthique musicale du passé afin que les orchestres puissent encore être identifiés à leur son spécifique.

Le site de Leonard Slatkin : https://www.leonardslatkin.com/

Crédits photographiques : Lewel Li

Propos recueillis par Pierre-Jean Tribot

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