Les Saisons, par le Malandain Ballet Biarritz : une ode à l’élégance et au talent
Sur une idée de Laurent Brunner, directeur de Château de Versailles Spectacles et de Stefan Plewniak, violon solo de l’orchestre de l’Opéra royal de Versailles, le chorégraphe Thierry Malandain a créé un spectacle, Les Saisons, qui entrecroise habilement les Quatre Saisons d’Antonio Vivaldi et les Caractères des saisons, de Giovanni Antonio Guido. Un spectacle élégant et talentueux, que les 22 danseurs du Malandain Ballet Biarritz donnent actuellement au 13e Art, Place d’Italie (Paris).
Thierry Malandain est un potier qui ferait jaillir une forme d’un tas de glaise : sous sa direction habile émergent, de musiques pourtant archi-connues - les Quatre Saisons de Vivaldi ! -, des tableaux dansés puisant directement dans la moëlle musicale de ces quatre concertos classiques pour violon. Ce grand chorégraphe, pétri de toute l’histoire de la danse et de la musique, sait, comme nul autre, faire ressortir l’essence rythmique, la dynamique interne et la sensibilité émotionnelle des morceaux de musique qu’il met en mouvements. Ces Quatre Saisons, qu’on croyait pourtant connaître, deviennent des plaidoyers en faveur de la force du collectif, du droit à exprimer ses émotions ou encore à chérir la vie comme un trésor.
Cette habileté de Malandain à épouser les contours dynamiques des musiques est démontrée également avec les Caractères des saisons, de Giovanni Antonio Guido. mis en miroir aux Quatre Saisons. Contemporain de Vivaldi et écrivant pour des membres de la famille royale française, sa musique de cour, toute en galanteries et révérences, incarne l’étiquette à la française. Pour autant, elle est d’excellente facture, sonne très bien et permet au chorégraphe de montrer sa maestria dans la connaissance des pas de danse classique et sa capacité à les détourner juste ce qu’il faut pour les emmener vers une recréation contemporaine.
C’est intelligent, beau et élégant mais également très bien réalisé. Sur une bande son a priori enregistrée par les musiciens de l’orchestre de l’Opéra royal de Versailles, les 22 danseurs du Malandain Ballet Biarritz déploient des qualités technique et artistiques frappantes : engagement du geste, fluidité généreuse des mouvements, collectif précis, souplesse totale… Si les tableaux d’ensemble sont privilégiés pour Vivaldi, ce sont de charmants pas-de-deux qui viennent illustrer la musique de Guido. Habillés sobrement d’un justaucorps noir, agrémenté d’une veste de marquis revisitée pour lui et d’une simili jupe à crinoline pour elle, les duos évoluent, avec grâce et légèreté, comme deux ravissantes porcelaines de Saxe qui auraient été douées de vie.
En conclusion du premier acte (le Printemps), apparaît le charismatique Hugo Layer, en justaucorps chair et le bras droit prolongé par un grand pétale noir, façon élégant éventail à demi-replié. Son solo, tout en charge tellurique et envolées puissantes, est saisissant. À chaque changement de saison, on le retrouve, rejoint en duo, puis en trio et enfin en quatuor. Pour le tableau final, les vingt-deux danseurs jaillissent sur scène, dans un regroupement compact et vibrant, eux aussi en justaucorps couleur chair et présentant chacun une feuille mourante au bout des doigts. Admirable manière de figurer l’urgence écologique.
Pour accompagner le geste chorégraphique et musical, le décor et les lumières sont à l’unisson : accrochés de manière régulière en fond de scène et subtilement éclairés selon les tableaux, des pétales/fleurs viennent scander et habiller l’espace. C’est sobre et simple mais cela fonctionne, pour laisser toute la place à la beauté du geste du chorégraphe Thierry Malandain, servie avec talent et élégance par les danseurs de son Malandain Ballet Biarritz.
Paris, 13e art.
Claire de Castellane
Crédits photographiques : Olivier Houeix