Louanges et Psaumes baroques d’Allemagne centrale : premier disque solo de David Erler

par

Psalmen & Lobgesänge. Johann Christoph Schmidt (1664-1728) : Bonum est confiteri Domino. Georg Bleyer (1647-ap1683) : Partita à 4 à la Francoise en sol mineur. Johann Theile (1646-1724) : Was betrübst du dich, meine Seele. Wolfgang Carl Briegel (1626-1712) : Chiacon Amor Jesu dulcissimus ; Sonate en la. & anonymes. David Erler, altus. Rien Voskuilen, L’Arpa festante. Juin 2020. Livret en allemand et anglais (paroles en latin et en allemand, traduit en allemand pour le latin). TT 75’56. Christophorus CHR 77453

Après sa participation à quelque quatre-vingts albums, David Erler nous arrive ici dans son premier programme en tant que soliste. Parmi les remerciements d’usage en page 2, le chanteur n’oublie pas la boutique qui lui a fourni un « pullover incroyablement confortable ». Hormis cette sympathique facétie, le livret et la démarche relèvent d’un indéfectible sérieux. Le programme a investigué des pièces rares, conservées dans les bibliothèques de Berlin, de Dresde, présentées et analysées dans l’érudite notice qui s’intitule « Schatzkammer Mitteldeutschland ».

Ces pièces ne sont peut-être pas toutes des « trésors » mais documentent la pratique musicale en Allemagne centrale (Saxe, Thuringe) à l’époque baroque, que ce soit à la Cour ou à l’échelon plus modeste des villages et des paroisses luthériennes. On y trouve quatre psaumes, un Magnificat, des versets de l’hymne Jubilus Sancti Bernardi traités en chaconne, et deux œuvres instrumentales : une Partita dérivée de l’influence lullyste (Ouverture, suivie d’une série de danses), et une Sonate pour violon inspirée par les modèles italiens. Le CD s’ouvre sur un motet virtuose de Johann Christoph Schmidt, baigné de louange et d’allégresse. Le compositeur le mieux connu de ce récital est Johann Theile dont le Was betrübst du dich, meine Seele ne fut pourtant enregistré pour la première fois qu’en mai 2014, par Jan Börner dans son album Absorta Es chez le label Resonando. Paulin Bündgen l’avait ensuite inclus dans l’anthologie Vater Unser avec l’ensemble Clematis chez Ricercar (octobre 2017). La nomenclature de l’accompagnement prévoit trois viola da braccio, tout comme le Gedenke, Herr (d’auteur incertain) lui aussi en do mineur. 

Le florilège pioche à des recueils tant confidentiels que typiques. Ainsi le manuscrit de Grossfahner, retrouvé en 1968 dans les combles de l’église et qui, aux côtés de noms célèbres (Telemann, Pachelbel…), préserve l’art de maîtres locaux. On découvre ici le petit motet Lobet den Herrn de Johann Christian Starckloff (1655-1722), Cantor à Eschenbergen. Le panorama s’achève sur un Magnificat anonyme, dont le traitement musical colle remarquablement aux divers figuralismes associés au texte de l’Annonciation.

L’interprétation est soigneuse, voire trop. Au revers d’une probité incritiquable, d’une prestation méticuleuse, tant pour la basse continue que les parties de violons fort sollicitées (Christoph Hesse, Angelika Balzer aux archets), on regrette une certaine inhibition de l’équipe d’Arpa festante. La Partita de Bleyer manque de relief et d’enthousiasme. La voix soliste ne se montre pas toujours la plus véloce ou charmeuse qu’on ait entendue, mais le registre (medium placé, aigu doux) est naturel. Là encore, on souhaiterait moins de retenue, davantage de caractérisation, d’audace, d’entrain. Particulièrement dans les doxologies, puisque les Amen et Alléluias sont censés glorifier ces Lobgesänge dont ce CD a fait son projet. Se dégagent toutefois de cette acédie une piété humble et intimiste, un sens domestique de la prière, qui rendent ce disque attachant.

Son : 8 – Livret : 9 – Répertoire : 8 – Interprétation : 7,5

Christophe Steyne

 

 

 

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