Malle aux trésors à l’ère Tudor

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A Store Housse of Treasure. John Baldwin’s Commonplace Book. John Baldwin (av1560-1615) : Quattuor vocum ; In the merie monthe of maye. William Byrd (1543-1623) : Aspice Domine ; And ye childe ; Ne irascaris ; Memento Domine ; O Quam gloriosum. Thomas Preston (?-ap1559) : O lux beata Trinitas. John Bedyngham (?-c1459) : Vide Domine. Nathaniel Giles (c1558-1634) : In te Domine speravi. Christophe Tye (c1554-1609) : Sit fast. Elway Bevin (c1554-1638) : Lord whoe shall dwell ; Browning ; I had both money & a frende ; By mirthe much sickness. Alfonso Ferrabosco (1543-1588) : Ut re mi fa sol la. John Taverner (c1490-1545) : In Nomine. Robert Goddar (c1510-1563) : In Nomine. Luca Marenzio (c1553-1599) : Piango che amor ; Ecco che un’altra volta. Anonymes. Musicke & Mirth. Grace Newcombe, Ulrike Hofbauer, soprano. Julian Podger, ténor. Breno Quinderé, baryton. Irene Klein, dessus et alto de viole. Elizabeth Rumsey, Jane Achtman, viole alto et ténor. Leonardo Bortolotto, basse de viole. Janvier 2020. Livret en anglais, allemand, français ; paroles en langue originale, traduction en anglais. TT 69’45. Ramée RAM 2001

John Baldwin chantait (St George's Chapel de Windsor), composait, mais l’histoire de la musique retient surtout son nom pour son activité de copiste, d’une graphie très soignée et d’intérêt patrimonial. Les Partbooks conservés à la Christ Church d’Oxford offrent un panorama du répertoire liturgique à l’ère Tudor (voir les albums de l’ensemble Contrapunctus d’Owen Rees chez le label Signum, ou le Loquebantur du Marian Consort chez Delphin). On lui doit aussi le fondamental recueil My Ladye Nevells Booke bien connu des amateurs de clavier ancien.

Compilé sur une poignée d’années, dédicacé en juillet 1591 (« A store housse of treasure »...) et conservé à la British Library de Londres, le Commonplace Book est une anthologie des « plus belles et meilleures chansons » d’auteurs tant locaux qu’étrangers. Elle illustre toutefois principalement des compositeurs britanniques, une dizaine sont ici conviés, issus des chapelles de la cour ou des cathédrales, cela sur un large spectre d’un siècle et demi : entre le dernier Moyen-Âge (John Bedyngham) et l’apogée de la Renaissance : le Gallois Elway Bevin, ou William Byrd qui par le nombre et la notoriété incarne la figure majeure de cette collection.

Le programme puise parmi ces quelque deux cent pièces réparties en trois groupes (arrangements d’œuvres vocales, polyphonies de deux à quatre voix, polyphonies à trois voix) et il les ventile selon un plan révélateur du contexte historique : « de la routine de l’enseignement musical des enfants de chœur à la musique de théâtre en passant par la recusant music qui ne pouvait être jouée qu’en secret ». La réforme anglicane, accentuée au cours du règne d’Elisabeth I, avait contribué au déclin de la messe latine et à la progressive clandestinité de la foi catholique. Ce qui explique la liturgie privée de texte (transcrite aux archets ou oralisée en solmisation), et l’émancipation d’une pratique instrumentale offerte au divertissement.

Suave quatuor de cordes en boyaux de mouton d’authentique facture (Stephan Schürch), envoûtant bouquet de voix : dès le Prologue et jusqu’au O quam gloriosum, on succombe sans relâche à ce paysage intelligemment conçu, éloquemment interprété, et capté dans une idéale acoustique (église St. Leodegar de Möhlin en Suisse). Un « magasin de trésors » ambitionnait Baldwin : on ne saurait mieux dire, quand l’équipe de Musicke & Mirth le valorise comme un des plus enivrants florilèges de la Olde Britannia qu’on ait entendu depuis longtemps. Une réussite tout à l’honneur de cet ensemble fondé en 1997 par les violistes Irene Klein et Jane Achtman, et dont la discographie compte déjà une poignée de remarquables jalons. La prise de son, exceptionnellement réaliste, sort elle-aussi du lot.

Son : 10 – Livret : 9 – Répertoire : 9-10 – Interprétation : 10

Christophe Steyne

 

 

 

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