Merveilleuse anthologie montéverdienne  

par

Daylight : Stories of Songs, Dances and Loves.  Claudio Monteverdi (1567-1643), Andrea Falconiero (1585-1656) et Biagio Marini (1594-1663). Concerto Italiano, Rinaldo Alessandrini (direction). 2021. Textes de présentation en français et anglais, textes chantés italiens avec traduction française et anglaise. 61’47’’. Naïve. OP 7366

C’est un superbe parcours montéverdien que nous livrent ici Rinaldo Alessandrini et les impeccables chanteurs et instrumentistes du Concerto Italiano. Tournant délibérément le dos au concept des programmes homogènes regroupant soit Madrigaux (classés par livres), soit opéras, soit oeuvres vocales diverses comme les Canzonette ou les Scherzi musicali, le chef nous offre ici une éblouissante traversée de l’œuvre du maître vénitien, permettant d’apprécier l’évolution du compositeur sur près de soixante ans de création, de 1584 à 1643 très exactement.

Placé sous le thème de la clarté du jour, le programme célèbre de façon irrésistible la vie et, comme toujours chez Monteverdi, le sentiment suprême qu’est l’amour, traité avec la confondante maîtrise de ce compositeur pour qui -comme le dit si justement le chef dans  son texte de présentation- tout est théâtre.

Familiers depuis longtemps de l’oeuvre de Monteverdi, les interprètes allient ici la maîtrise du style de l’auteur, la réflexion sur sa création et la paradoxale fraîcheur de la redécouverte, comme l’illustre si bien cette séquence nous donnant à entendre l’un après l’autre trois madrigaux commençant par l’exhortation Sù, sù, sù (Allons, allons) écrits sur une période de près de 50 ans (en effet, il fallait y penser).

Pour varier les sonorités du programme et introduire une variété bienvenue, Rinaldo Alessandrini a eu l’excellente idée de faire alterner les oeuvres vocales avec des pièces instrumentales dues à Monteverdi mais aussi à Biagio Marini et au Napolitain Andrea Falconiero et qui apportent un contraste bienvenu.

On pourrait se contenter de constater que tout dans ce programme est une éclatante réussite, mais il vaut la peine de souligner certaines caractéristiques omniprésentes, comme l’articulation parfaite des chanteurs, leur sens du style et le naturel de leur diction, la sensualité et la fraîcheur des voix, l’aisance et la spontanéité des interprètes qu’ils soient  chanteurs ou instrumentistes. Les deux beaux duos d’amour tirés du Retour d’Ulysse dans sa patrie et du Couronnement de Poppée en sont la plus belle illustration : tout y est, sans rien de trop ni de trop peu. 

Tout est à retenir ici, mais -à titre d’exemple- Zefiro torna pour deux ténors est une merveille de légèreté et de finesse, tout comme l’exquis Chiome d’oro où les sopranos Monica Piccinini et Sofia Tedla rivalisent de virtuosité et de grâce. On ne goûtera pas moins l’énergique madrigal Alle danze, alle gioie, chanson à boire à la gloire des dames et de leurs atours et parfaite transition vers Movete al mio bel suon le piante snelle (tiré des Madrigaux guerriers et amoureux) où les accents martiaux de la musique illustrent le topos de la guerre amoureuse récompensée par la conquête de l’aimée. 

Le soin avec lequel ce programme si original a été composé et le frisson de la redécouverte de cette inépuisable musique méritent des écoutes attentives et répétées pour pleinement apprécier les beautés de la musique et la qualité de l’interprétation. 

Son 10 - Livret 10 - Répertoire 10 - Interprétation 10

Patrice Lieberman

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