Les multiples splendeurs de Franz Schreker 

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Franz Schreker (1878-1934)  : Der Ferne Klang. Orchestral Works & Songs. Nachtstück Interlude de l’acte III de l’opéra Der ferne Klang ; Valse lente ; Kammersymphonie ; Von ewige Leben ; Fünf Gesänge ; Kleine Suite ; Romantische Suite. Chen Reiss, soprano ; Matthias Goerne, baryton; Konzerthausorchester Berlin, direction : Christoph Eschenbach.  2021 et 2022. Livret en allemand et anglais. Texte chanté en allemand, traduction en anglais. DGG. 00028948639908

Le temps semble peu à peu arriver d’un revival de l'œuvre de Franz Schreker. Au fil des saisons on voit poindre à travers l’Europe la programmation de certains de ses opéras ; même en Belgique, l’Opéra de Flandres avait monté son Forgeron de Gand (Der Schmied von Gent). Dans ce contexte, on accueille avec bonheur et impatience cette parution captée à Berlin qui nous propose un beau panorama d'œuvres orchestrales et deux cycles de lieder avec orchestre. 

L’écriture orchestrale de Schreker est caractérisée par un onirisme musical et sensitif, une  instrumentation capiteuse et ensorceleuse qui se déploie tant dans la puissance du grand orchestre, comme dans la superbe “Nachtstücke” tirée de l’opéra Der Ferne Klang, que dans l’effectif instrumental chambriste de la Kammersymphonie ou de la Kleine suite. Le texte du livret de titre “Le maître du son” ne saurait être plus juste face aux talents du compositeur qui peut délivrer une puissance digne d’un Strauss et une finesse de traits qui sont ici aussi novateurs que personnels. On apprécie aussi la poésie d’un musicien dont chaque instant est une saynète dont la narration et les couleurs suggèrent une multitude d’imaginaires. 

Christoph Eschenbach est un orfèvre qui cerne avec justesse les caractéristiques et la personnalité de cette musique. Sa direction est brillante et nuancée sans jamais en rajouter dans le démonstratif. Le Konzerthausorchester Berlin est à la hauteur de la tâche avec un collectif puissant et des individualités majeures marquées par les pupitres de vents. Il déploie une palette de couleurs “fin de siècle” absolument superbes. 

Les deux cycles de lieder Von ewige Leben pour soprano et orchestre et les Fünf Gesänge pour baryton et orchestre sont d’autres grands moments de ce disque. L’interprétation bénéficie des performances exemplaires de Chen Reiss et Matthias Goerne qui font de chaque phrase un bijou ciselé avec passion. Rompu à l’accompagnement de Liederabend, Christoph Eschenbach est un partenaire attentif qui soigne les nuances.

Ce programme, inédit dans son concept, est une réussite artistique et musicale. Individuellement, il existe d’autres très bonnes interprétations de la Kammersymphonie (Franz-Welser Möst à Salzbourg pour Warner) ou de la Romantische Suite (James Conlon à Cologne pour Warner) mais cet album, magnifié par une prise de son de démonstration, est une référence.

Son : 10 – Livret : 9 – Répertoire : 10 – Interprétation : 10

Pierre-Jean Tribot

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