Motets de la famille Bach : le Tölzer Knabenchor, solennel gardien du temple
Motets of the Bach family. Johann Bach (1604-1673) : Unser Leben ist ein Schatten. Sei nun wieder zufrieden, meine Seele. Johann Michael Bach (1648-1694) : Halt, was Du Hast. Nun hab ich überwunden. Johann Christoph Bach (1642-1703) : Herr, nun lässest Du Deiner Diener. Johann Ludwig Bach (1677-1731) : Unsere Trübsal. Johann Sebastian Bach (1685-1750) : Lobet den Herrn alle Heiden BWV 230. Tölzer Knabenchor. Sören Leupold, théorbe. Michael Schönfelder, violone. Thomas Leininger, orgue, clavecin. Rober Schröter, orgue. Michael Hofstetter, direction. Août 2022. Livret en allemand, anglais ; paroles en allemand et traduction en anglais. TT 54’10. Christophorus CHR 77467
« Notre tentative de rendre l’essence de la musique sacrée par des moyens traditionnels peut se concevoir comme une singulière contribution pour éveiller et accroître l’intérêt » envers celle-ci, résume Thomas Leininger dans la notice, en conclusion d’un propos légitimiste, consacré à l’approche stylistique et particulièrement au tempo. S’érigeant contre une mode contrastée et superficielle, estimée anachronique, ce conservatisme assume plutôt une voie mesurée et prudente qui vise à préserver le contenu émotionnel. Plusieurs références, comme Michael Praetorius (1571-1621), sont citées ou évoquées à l’appui de cette esthétique qui privilégie les subtiles variations de pulsation et instille une certaine dose de maniérisme et d’ornementation cadentielle pour les œuvres antérieures à Johann Sebastian.
Les autres motets au programme émanent de la parentèle : le grand-oncle Johann, deux oncles (Johann Michael, Johann Christoph) et cousin (Johann Ludwig) éloignés. Preuve de la capitalisation opérée au sein de la dynastie : Unser Leben ist ein Schatten, la plus ancienne pièce au programme, fut thésaurisée par Johann Sebastian dans la collection de partitions familiale. Contrepoint imitatif, spatialisation polychorale, intégration du choral protestant : les diverses influences se subsument à la suggestivité du texte sacré. Conformément à la pratique du temps, et outre les alternances fixées par les œuvres, l’interprétation a adapté le format des contributions, entre ensembles de solistes et plein effectif. Les doublures instrumentales ne sont pas systématisées, et le continuo (clavecin, orgue, théorbe, violone) est invité à préluder, au gré d’intercessions mystiques (Unsere Trübsal) ou stimulantes (Herr, nun lässest Du Deiner Diener).
De naissance bien plus récente que les Regensburger Domspatzen de Ratisbonne, le Thomanerchor de Leipzig ou le Dresdner Kreuzchor, fondés voilà plusieurs siècles, le Tölzer Knabenchor s’est imposé comme un des meilleurs chœurs de garçons sur le sol allemand, depuis sa création en 1956 par Gerhard Schmidt-Gaden qui le dirigea pendant presque six décennies. Il est ici placé sous la conduite de Michael Hofstetter, chef invité pour la saison 2022-2023. La prestation se plie à la ferveur et à la respiration patiente qu’elle ambitionne. L’intensité ne se placarde pas mais se conquiert sur la durée et dans le déploiement des perspectives, qui trouvent un superbe épanouissement acoustique en l’église de Bad Tölz.
Cet art du modelé et de la nuance, largement étreint, ne sacrifie rien de l’affectivité mais la caresse comme une étoffe qu’on ne veut froisser. Certaines pages (Lobet den Herrn alle Heiden) auraient ainsi peut-être mérité une articulation plus précise et se seraient volontiers réjouies de la gouaille qu’on a pu associer à ce Knabenchor bavarois en d’anciens enregistrements sous la direction de son fondateur. La voie ne tolère aucune sortie de route, et semble parfois trop sereine -rançon d’un style balisé par la caution de l’authenticité, en guise de glissières de sécurité. Un héritage s’exprime, on le salue.
Christophe Steyne
Son : 9 – Livret : 8,5 – Répertoire : 8-9 – Interprétation : 9