Pascal Rophé à propos de Dukas et Roussel

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Pascal Rophé, directeur musical de l’Orchestre National des Pays de la Loire, sort un album Dukas / Roussel qui fait l’événement (Joker de Crescendo). Le chef d’orchestre revient sur le concept éditorial de cet album et sur la place de Dukas et Roussel dans l’Histoire de la musique.

 Pouvez-vous nous expliquer le concept éditorial de ce disque ?

L’idée est partie du fait que nous avons fréquemment joué l’Apprenti sorcier pour des concerts famille et autres ces dernières années. L’interprétation de cette  œuvre  m’a permis de voir le chemin parcouru par l’orchestre depuis le début de mon mandat en 2014. L’Orchestre National des Pays de la Loire a également évolué par la pratique régulière de ce répertoire français faisant partie de son ADN, dès lors enregistrer l’Apprenti sorcier s’est rapidement imposé afin de formaliser et de prendre acte de ce parcours. Je trouvais intéressant de mettre en parallèle Dukas et Roussel, deux figures presque contemporaines mais si différentes. De Dukas, il était pertinent de proposer la très rare ouverture de jeunesse Polyeucte. On peut ainsi apprécier l’évolution du compositeur entre cette ouverture, très franckiste et wagnérienne, et l’Apprenti sorcier avec sa finesse orchestrale et sa clarté instrumentale très ravéliennes. Quant au Festin de l’araignée, c’est un véritable bijou musical. C’est une partition de chef et elle est très fréquente dans les classes de direction d’orchestre. Hormis l’Apprenti sorcier, ni le Polyeucte, ni le Festin de l’araignée ne sont des œuvres très enregistrées.

Roussel et Dukas sont deux figures majeures de l'histoire de la musique française. Quelle est leur place dans l'histoire de la musique en France ? En quoi sont-ils importants dans l'évolution de la musique symphonique française après Debussy et Ravel ?

Ils sont créatifs à l’aube d’un siècle qui sera celui des bouleversements, mais ils prennent deux chemins très différents. Dukas commence sa carrière sous l’influence de Wagner et de César Franck avant d’évoluer dans une perspective très française avec la qualité scintillante de son orchestration tout en s’ouvrant vers l’avenir. Albert Roussel emprunte un chemin qui lui est totalement personnel. Quand on regarde sa place dans l’histoire de la musique, il n’a pas de suiveur(s), il est unique ! Il traite l’harmonie d’une manière très personnelle. Sans entrer dans une comparaison stylistique un peu osée, il me fait quelque part penser à Hindemith, un autre compositeur du XXe siècle qui a également de son côté poursuivi une route indépendante. Dans l’œuvre même de Roussel, le Festin de l’araignée se distingue des autres partitions et en particulier des symphonies. L’orchestration est ciselée et la partition sonne avec une immense finesse tandis que ses symphonies peuvent apparaissent plus massives.

Ce disque paraît après un précédent enregistrement (acclamé par la critique) consacré à des œuvres de jeunesse d'Henri Dutilleux. Est-ce qu'il y a des liens stylistiques entre le jeune Dutilleux, Roussel et Dukas ?

Il y a un fait historique amusant : Roussel a étudié l’harmonie avec le grand père de Dutilleux ! Cependant, il ne faut pas voir de continuité entre ces deux-là, à l’inverse de Dukas ! En effet, par la finesse de son orchestration, Dukas annonce clairement le jeune Dutilleux !

 Quel sera votre prochain projet d’enregistrement ?

Nous poursuivons notre collaboration avec le label Bis qui nous accompagne depuis le début de mon mandat à l’ONPL. Nous travaillons à un projet avec des œuvres de Maurice Ravel. Nous avons également en perspective les 50 ans de l’orchestre que nous célébrerons au cours de la saison  2021/2022

Quel est votre prochain concert avec votre orchestre ? 

Aujourd’hui même et toute la semaine ! Nous donnons le Concerto pour violon de Michael Jarrell avec Renaud Capuçon à Angers et Nantes. C’est une œuvre dont nous avons donné la création mondiale au Japon. Michael Jarrell est compositeur en résidence cette saison, il succède à Pascal Dusapin et Kaija Saariaho.  En complément de programme, nous donnons l’Apprenti sorcier de Dukas ainsi que le Prélude à l’après midi d’un faune et Iberia de Debussy.

Le site de l'Orchestre national des Pays de la Loire : https://onpl.fr/

A écouter : Paul Dukas (1865-1935) : Polyeucte, L’Apprenti Sorcier ; Albert Roussel (1869-1937) : Le Festin de l’Araignée. Orchestre national des Pays de la Loire, Pascal Rophé. 2018-Livret en anglais, allemand et français-59’46-Bis 2432.

Crédits photographiques : Marc Roger / ONPL

Propos recueillis par Pierre-Jean Tribot

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