Michael Jarrell, compositeur 

par

Le compositeur suisse Michael Jarrell assure la présidence du Concours de composition de Bâle qui se déroule du 4 au 7 mars. Dédié à la mémoire du mécène et musicien Paul Sacher, ce concours, au jury prestigieux, a la particularité de ne pas imposer de limite d’âge aux candidats. Crescendo Magazine rencontre le compositeur alors que paraît également un superbe album monographique avec trois de ses partitions interprétées par l’Orchestre National des Pays de la Loire sous la direction de Pascal Rophé.

Vous êtes président du jury du Concours de composition de Bâle, qu’est-ce qui vous a motivé à accepter cette fonction ? 

C’est très simple, en 2017, pour la première édition du concours, j’ai été invité aux côtés d’autres compositeurs dont Oliver Knussen à être membre du jury sous la présidence de Wolfgang Rihm. Malheureusement, tous deux, pour des raisons de santé, ont dû annuler leur participation. C’est alors que WR m’a demandé de reprendre la présidence, ce que j’ai accepté, entre autres, par amitié.

Ce concours est un hommage à la figure de Paul Sacher, mécène et musicien bâlois qui a marqué le XXe siècle. En quoi la figure de Paul Sacher est-elle une inspiration et un modèle pour notre époque ? 

Paul Sacher et sa femme ont toujours soutenu la création, que ce soit en musique ou dans les arts visuels. C’était pour eux une évidence. En ce sens, ils sont une source d’inspiration et un modèle pour notre époque qui a énormément besoin de beauté et d’empathie.

Dans ce concours, il n’y a pas de limite d’âge. Le jeunisme est-il incompatible avec l’art de la composition ? 

Ne pas fixer de limite d’âge est une des particularités de ce concours. L’idée d’une compétition de composition est évidemment de soutenir les jeunes talents, de découvrir et faire connaître de nouvelles personnalités et de donner à ces compositeurs la possibilité d’entendre ce qu’ils ont écrit. 

L’âge n’est pourtant pas toujours un critère pertinent : si quelqu’un aborde l’écriture musicale à un âge déjà avancé, il est possible de le considérer comme un jeune compositeur. Par ailleurs, dans l’histoire de l’art, il existe des exemples de personnalités marquantes qui ont été découvertes sur le tard.

Vous êtes rompu à tous les genres : opéra, concerto, musique symphonique, musique de chambre. Avec quel état d’esprit regardez-vous les partitions concourantes des candidats ? 

Les membres du jury recherchent une personnalité forte qui arrive à exprimer clairement une ou plusieurs idées, qui arrive à développer un discours. Dans une partition, il y a un côté artisanal, mais celui-ci doit être au service d’une expression. En lisant une partition, on perçoit si le compositeur maîtrise ce qu’il est en train de faire ou s’il se perd dans du graphisme.

La période actuelle est bien sombre pour la culture et la musique savante. Dans ce contexte, les jeunes compositeurs ou compositrices sont parmi les plus touchés : pas de concerts, pas de commandes... Est-ce que vous êtes inquiet pour le futur de cette génération de compositeurs et compositrices émergent(e)s et pour la création contemporaine ?  

Je suis inquiet pour le futur de la musique classique, en particulier pour la création, et je suis donc très préoccupé par l’avenir de la jeune génération. Il est aujourd’hui extrêmement difficile de prédire comment notre société va se remettre de cette période très particulière. Tant de corps de métier sont touchés de plein fouet par cette situation et sont contraints de survivre plus que de vivre. 

Néanmoins, je garde un certain espoir, car je suis persuadé qu’il y aura toujours de la création. Il ne faut pas oublier que l’art est notre invention. C’est notre manière de refléter notre société et de percevoir qui nous sommes.

Par rapport à cette période sombre que nous traversons et le repli sur soi qui découle des confinements, ces évènements ont-ils eu une influence sur votre art de la composition ? 

Pour moi, la composition est une expérience éthique. Composer est ma manière d’aborder et de progresser dans ce monde où nous vivons. C’est pourquoi rencontrer des gens, travailler avec des musiciens, aller au concert, au restaurant est, de fait, très important. Malheureusement, ces activités sont actuellement en hibernation et cela a de lourdes répercussions sur mon travail de compositeur.

En mars paraît un album Bis avec 3 de vos œuvres : Émergences-Résurgences, concerto pour alto et orchestre ; …Le ciel, tout à l’heure encore si limpide, soudain se trouble horriblement… et 4 Eindrücke, concerto pour violon et orchestre. Pouvez-vous nous parler de cet album et du lien entre les 3 partitions ?

Je suis depuis septembre 2019 en résidence avec l’Orchestre National des Pays de la Loire (direction : Pascal Rophé). Le disque Bis qui sortira le 8 mars prochain marque la fin de ma première année au sein de cet orchestre. Pascal Rophé a créé deux de ces pièces : le Concerto pour alto, créé au festival « Musica », et le Concerto pour violon, créé au Suntory Hall de Tokyo. Pascal Rophé a, par ailleurs, dirigé plusieurs fois la pièce d’orchestre « …Le ciel, tout à l’heure encore si limpide, soudain se trouble horriblement… ». C’était un plaisir de pouvoir enregistrer ces pièces avec lui, son orchestre, ainsi que deux solistes extraordinaires : Renaud Capuçon et Tabea Zimmermann.

Pour cet album, vous retrouvez votre complice le chef d’orchestre Pascal Rophé et son Orchestre National des Pays de la Loire. Pascal Rophé dirige votre musique depuis plusieurs décennies. Qu’est-ce que cela apporte à un compositeur d’entretenir une collaboration étroite avec un chef d’orchestre ? 

Je connais Pascal Rophé depuis très longtemps. Nous avons souvent travaillé ensemble et, avec le temps, nous sommes devenus amis. J’ai une absolue confiance en lui, ainsi qu’un grand respect. Comme il a beaucoup dirigé ma musique, il a toujours une grande compréhension de celle-ci et l’interprète avec une grande sensibilité. 

La place d’un compositeur dans une répétition avec orchestre est délicate. Il s’agit d’arriver à exprimer un certain nombre de choses, de corriger des erreurs, sans interrompre la dynamique de la répétition. Certains chefs ont du mal avec cette situation. Ce n’est absolument pas le cas de Pascal Rophé.


Le site du Concours de composition de Bâle : www.baselcompetition.com

Le site de Michael Jarrell : www.michaeljarrell.com

  • A écouter : 

Michael Jarrell: Émergences-Résurgences, concerto pour alto et orchestre ; …Le ciel, tout à l’heure encore si limpide, soudain se trouble horriblement… ;  4 Eindrücke, Concerto pour violon et orchestre. Renaud Capuçon, violon ; Tabea Zimmermann, alto ; Orchestre national des Pays de la Loire, Pascal Rophé.   Bis :  2482 SACD.

Crédits photographiques :  C. Daguet / Editions Henry Lemoine.

Propos recueillis par Pierre-Jean Tribot

 

 

 

Vos commentaires

Vous devriez utiliser le HTML:
<a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <s> <strike> <strong>

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.