Recuerdos, un voyage musical des temps troublés avec Augustin Hadelich 

par

Pablo de Sarasate (1844-1908) / Georges Bizet (1838-1875) : Fantaisie sur Carmen de Bizet, op.25 ; Serge Prokofiev (1891-1963) :  Concerto pour violon n°2 en sol mineur, Op.63 ; Benjamin Britten (1913-1976) : Concerto pour violon en ré mineur, Op.15 ; Francisco Tárrega (1862-1909) : Recuerdos de la Alhambra (arrangement pour violon solo de Ruggiero Ricci). Augustin Hadelich, violon ; WDR Sinfonieorchester, Cristian Măcelaru. 2021. Livret en anglais, allemand et français. 79’55. Warner Classics : 0190296310768.


Le violoniste Augustin Hadelich nous propose un voyage musical à travers le drame de l’Histoire. Le point de départ de cet album est le Concerto pour violon de Britten, composé entre 1936 et 1938 avec en toile de fond les horreurs de la guerre d’Espagne. Ce chef d'œuvre musical mais mal aimé du fait de sa grande difficulté est mis en relief avec une narration proposée par le violoniste.

La porte d’entrée est la célèbre Fantaisie sur les airs de Carmen de Georges Bizet par Pablo de Sarasate, porte d’entrée sur le monde ibérique. Le Concerto pour violon n°2 de Prokofiev marque la transition entre l’Espagne de carte postale de Sarasate et le Concerto pour violon de Britten. Presque contemporain du concerto de Britten, le Concerto n°2 de Prokofiev fut composé au fil d'une tournée à travers l’Europe marquée par des étapes en Espagne. Comme le souligne justement Augustin Hadelich dans la notice du disque, le contraste entre les oeuvres de Prokofiev et Britten est saisissant, comme si Prokofiev vivait en marge de l’histoire proposant une oeuvre mélodieuse et virtuose là ou le drame des temps sombres traverse la partition de Britten. En conclusion de cette album, le violoniste offre  Recuerdos de la Alhambra dans une version pour violon solo, tel un moment de recueillement musical après l’interprétation du Concerto de Britten. 

Au niveau interprétatif, il va sans dire que l'excellent Augustin Hadelich est à la hauteur de son propos. La technique est assurée et permet de se jouer des difficultés techniques de ces partitions. Mais l’artiste va au-delà de la simple virtuosité pour habiter des partitions par une narration. La lecture de Prokofiev est d’une mélodie ironique comme si derrière la beauté des phrasés et des timbres se nichait la tragédie. Dans Britten, on admire la puissance des contrastes qui font de cette partition un film en noir et blanc à la fois beau et angoissé. L’accompagnent du WDR  Sinfonieorchester sous la direction attentive de  Cristian Măcelaru est au service du soliste, illustrant son propos avec ce qu’il faut d’impact sonore. 

La notice de présentation, de la plume d’Augustin Hadelich est passionnante et explique clairement la démarche du musicien. 

Son : 9 – Livret : 10 – Répertoire : 10 – Interprétation : 10

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