Reprises et Nouveautés à Pesaro

par

La Gazzetta

Le festival Rossini de Pesaro a dédié sa 36ième édition à la mémoire du grand metteur en scène italien Luca Ronconi récemment décédé. De ses productions à Pesaro nous retenons surtout sa mise en scène de « Il viaggio a Reims », ce chef-d’œuvre redécouvert et reconstruit, et présenté pour la première fois le 18 août 1984 sous la direction musicale de Claudio Abbado. Depuis 2001 « Il viaggio a Reims » figure annuellement au programme du festival dans la mise en scène simple mais effective de Emilio Sagi et donne l’occasion aux jeunes chanteurs de l’Accademia Rossiniana de se faire connaitre. Plusieurs sont plus tard à l’affiche des spectacles du festival comme le ténor Maxim Mironov, le baryton Davide Luciano, la soprano Olga Peretyatko ou la mezzo Viktoria Yarovaya que nous retrouvons cette année dans « La gazetta », « L’inganno felice », un concert de bel canto et « La Messa di Gloria » de Rossini. Des participants cette année les noms à retenir sont Cecilia Molinari (Marchesa Melibea), Ruth Iniesta (Madama Cortese), Sundet Baigozhin (Lord Sidney) et Pablo Ruiz (Don Profondo).

Puisque le festival de Pesaro doit, lui aussi, économiser il n’y avait qu’une nouvelle production cette année et deux reprises. Le melodramma « La gazza ladra » retournait dans la production réalisée par Damiano Michieletto en 2007. Il n’a pas changé grand-chose dans sa version présentée comme le rêve fantasque d’une jeune fille qui se promène dans l’action comme la pie voleuse. Prestation virtuose et acrobatique de Sandhya Nagaraja qui évolue dans un monde plus ou moins stylisé (chœurs) avec des costumes contemporains (Carla Teti) et un décor composé de grands tuyaux disposés de façons différentes (Paolo Fantin). Pourquoi tout le monde doit patauger dans l’eau au second acte reste un mystère. La direction d’acteurs est convaincante mais la figuration représentant les forces de l’ordre (manteaux noirs, casques, kalachnikovs) est plutôt déjà vue. Donato Renzetti dirigeait l’excellent orchestre du Teatro Communale di Bologna d’une main légère et sûre dans une exécution musicale captivante et pleine d’élan dramatique, ce qui n’est pas chose facile dans l’acoustique de la vaste Adriatic Arena. La distribution était dominée par le Fernando Villabella de Alex Esposito à la voix expressive et sonore dans une composition sincère et émouvante. Avec son physique de jeune fille et son soprano souple, Nino Machaidze était une Ninetta attachante. Marko Mimica manquait un peu d’allure et de force vocale pour donner plein relief au méchant Gottardo. Giannetto trouvait une interprète adéquat dans René Barbera à la voix ensoleillée et Lena Belkina campait un Pippo sympathique. Belles prestations de Teresa Iervolino et Simone Alberghini comme Lucia et Fabrizio Vingradito. Du reste de la distribution homogène se détachait Alessandro Luciano en Antonio. Les chœurs du Teatro Communale di Bologna se prêtaient de bonne grâce aux exigences de la mise en scène et chantaient vaillamment.

Si la production de « La gazza ladra » datait de 2007, celle de « L’inganno felice » remontait à 1994. Mais la mise en scène de Graham Vick dans les décors et costumes de Richard Hudson et les lumières de Matthew Richardson n’a pris aucune ride. Bien au contraire! Quelle joie de voir un spectacle charmant et honnête, respectant livret et musique et offrant du théâtre vivant et attachant. Cette « farsa » en un acte n’en demandait pas plus. Et le public se régalait de voir comment la belle Isabella, aidée par le sympathique et paternel Tarabotto, déjoue les complots et retrouve son époux bien aimé. Les personnages sont bien dessinés, l’action naturelle et vivante et le décor simple mais évocateur et plein d’atmosphère. Carlo Lepore campe un Tarabotto plus vrai que nature, plein de bonhomie et de bon sens et lui donne sa voix chaude et corsée et son interprétation nuancée. L’Isabella de Mariangela Sicilia a du cœur et du caractère et une voix de soprano claire, flexible et expressive. Davide Luciano fait une belle composition de Batone, le méchant malgré lui, et fait entendre une voix de baryton riche, homogène et expressif. Vassilis Kavayas lutte vaillamment avec son air d’entrée et présente un Bertrando un peu hésitant malgré sa voix de ténor agréable. Le rôle plutôt secondaire de Ormondo était bien défendu par Giulio Mastrototaro. Dans la fosse l’Orchestra Sinfonica G. Rossini jouait avec élan et légèreté sous la direction attentive de Denis Vlasenko.

La seule nouvelle production de ce festival était réservée pour « La gazetta » un « dramma per musica in due atti » de 1816. Présenté la même année que « Il barbiere di Siviglia » cet « opera comica » n’atteint sûrement pas le même niveau. D’abord le livret de Giuseppe Palomba est assez faible et compliqué et puis Rossini a emprunté plus d’une fois des fragments à des œuvres antérieures. L’ouverture de « La gazzetta » par contre deviendra plus tard celle de « La Cenerentola ». Récemment un quintette qui figurait au premier acte et dont on avait le texte mais plus la musique puisque la partition avait disparu, a été retrouvé et réinséré. Si ce fait rend l’œuvre plus complète, elle reste assez disparate et la mise en scène de Marco Carniti n’arrangeait pas les choses, du moins pour moi. L'humour est une chose assez personnelle et le spectacle dans les décors minimes de Manuela Gasperoni et les costumes extravagants de Maria Filippi ne m’a guère convaincue ou rendu l’intrigue plus claire. Dommage car la distribution se donnait de grands efforts et réunissait quelques chanteurs remarquables . Il y avait d’abord Nicola Alaimo dans le rôle de Don Pomponio Storione, imposant de figure en de voix, chantant dans le dialecte napolitain et dominant le plateau. Hasmik Torosyan était sa fille Lisetta, agréable à voir, évoluant avec grâce et chantant d’une voix virtuose mais parfois un peu dure. Maxim Mironov était un Alberto jeune premièr au ténor souple d’un beau métal. Vito Priante campait un Filippo séduisant et sonore. Raffaella Lupinacci restait un peu en retrait comme Doralice mais Josè Maria Lo Monaco était une Madama la Rose élégante à la voix riche et chaude. Bonne prestations des autres chanteurs de la distribution et des choeurs du Teatro Communale di Bologna. Enrique Mazzola dirigeait l’orchestre de Bologna avec verve et tempérament.

Pour la « Messa di Gloria » de 1820, la cantate « Il pianto d’Armonia sulla morte d’Orfeo » de 1808 et la scène lyrique avec chœur « La morte di Didone » de 1810 Donato Renzetti dirigeait le choeur du Teatro Communale di Bologna et la Filarmonica Gioachino Rossini dans des exécutions honorables illuminés par la présence des chanteurs Jessica Pratt, Viktoria Yarovaya, Juan Diego Florez, Dempsey Rivera et Mirco Palazzi. Dans la « Messa di Gloria » ce sont surtout Viktoria Yarovaya à la voix somptueuse et Juan Diego Florez, virtuose comme toujours, qui se sont distingués. Malgré sa belle voix bien maîtrisée Jessica Pratt ne parvenait pas vraiment à convaincre dans « La morte di Didone » dont le texte restait pour la plus grande part incompréhensible. Juan Diego Florez par contre s'imposait en Armonia par sa projection du texte et sa déclamation expressive et vocalement riche.
Erna Metdepenninghen
Pesaro, Rossini Opera Festival, les 12,13, 14, 15 août 2015

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