Rossini et l’Orchestre Philharmonique du Luxembourg

par

Gioacchino Rossini (1792-1868) : Petite Messe solennelle. Eleonora Buratto, soprano – Sara Mingardo, mezzo – Kenneth Tarver, ténor – Luca Pisaroni, basse – Winer Singakademie (Tobias Berndt) – Orchestre Philharmonique du Luxembourg, Gustavo Gimeno, direction. 2019-DSD/SACD-81’52-Textes de présentation en anglais, allemand et français-Pentatone-PTC5186797

Délaissant un instant le répertoire purement symphonique, l’Orchestre Philharmonique du Luxembourg et Gustavo Gimeno, dont on souligne régulièrement leurs nombreuses qualités, reviennent au disque avec de la musique sacrée, et pas n’importe laquelle puisqu’il s’agit du testament musical de l’un des plus grands génies de la voix : la Petite Messe solennelle de Rossini, qui n’a de petit que son titre. 

« Douze chanteurs de trois sexes – hommes, femmes et castrats – seront suffisants pour son exécution ». A la lecture de ces mots, la direction et la démarche entreprises par l’auteur de La Donna del lago sont claires même si un rien humoristiques. D’abord écrite pour un faible effectif choral, deux pianos, harmonium et quatre solistes, Rossini finit, par sécurité, par produire une version avec grand orchestre, choisie ici. Bien que la version plus intime d’origine nous semble nettement plus élevée d’un point de vue dramatique, la version avec orchestre demeure tout aussi passionnante et surprend par des sonorités que la première version ne peut produire (écoutez l’orchestration notamment de la fugue finale du Gloria). Tantôt intime, tantôt virevoltante, la musique sacrée de Rossini, comme c’est le cas avec son Stabat Mater, reste avant tout très opératique et se prévaut d’une virtuosité à toute épreuve. 

La version avec orchestre gagne peut-être en moelleux là où la version avec pianos est plus piquante. Cette enveloppe plus riche permet aussi et surtout d’ouvrir les portes à des formations chorales de grandes dimensions. C’est le cas ici avec l’excellente Wiener Singakademie, formation amateur de haut niveau qui démontre ici une facilité presque insolente à la lecture du chef-d’œuvre : texte clair, rythme bien soutenu, nombreuses dynamiques, projection et homogénéité parfaites… Du côté des solistes, la mezzo Sara Mingardo se détache clairement du quatuor par une voix suave et très collée au texte. La soprano Eleonora Buratto, plus discrète, rayonne par un timbre lumineux mais également sombre lorsque le texte le requiert. Le ténor Kenneth Tarver entre à bras le corps dans le matériau. Ses sonorités sont éclatantes, le texte clair. Peut-être manque-t-il un peu de souplesse qui lui aurait permis de s’épanouir totalement, choix esthétique que nous décrirons plus tard. Enfin, la basse Luca Pisaroni se démarque par une voix profonde et limpide, le dialogue avec l’orchestre est ici au rendez-vous. Gustavo Gimeno dirige avec douceur et précision cette délicieuse musique. Les contrastes et jeux de couleurs sont nombreux. L’orchestre ne couvre jamais les chanteurs, dialogue avec eux et offre un jeu de grande qualité dans chacun des pupitres. Si une dimension opératique semble émerger de cette musique, Gimeno semble au contraire y instiller une vision plus germanique, moins profane. Ce parti pris, déjà évoqué plus haut avec le ténor et qu’il convient de respecter, retire toute gaudriole ou rubati que d’autres, à juste titre, installeraient bien volontiers. Cet univers plus sérieux colle d’autant plus lorsqu’est faite le choix de la version avec orchestre. D’un autre côté, un brin de liberté aurait permis à certains solistes (ténor et basse essentiellement) de s’épanouir pleinement là où on ressent une certaine droiture ou une éventuelle tension. 

Néanmoins, les choix esthétiques portés ici sont justes et intéressants et tendent à rendre justice à une musique simplement géniale.

Son 10 – Livret 10 – Répertoire 10 – Interprétation 9

Ayrton Desimpelaere

 

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