Sabine Devieilhe chante l’amour
On ne présente plus la jeune soprano Sabine Devieilhe qui s’est imposée comme l’une des sopranos les plus incontournables du moment. Alors qu’elle avait particulièrement marqué le public bruxellois lors des représentations de Die Zauberflöte en 2018, elle revient pour un récital des plus attendus. Accompagnée par Alexandre Tharaud, elle chantera son dernier album consacré à l’amour selon Poulenc, Ravel, Fauré et Debussy.
Votre nouvel album s'intitule “Chansons d’amour” et il offre un panorama de mélodies françaises de Ravel, Debussy, Fauré, Poulenc. Comment avez-vous choisi ce programme ?
Alexandre et moi avons un amour en commun : la mélodie française. Nous l'avons d'autant plus réalisé en parcourant les piles de partitions que nous avons lues à deux. Le répertoire de la fin du XIXe et du début XXe foisonne de bijoux très contrastés les uns des autres. Notre choix des compositeurs avait pour but de brasser les grands courants d'écriture propres à cette période. La veine folklorique ou populaire chez Ravel et Poulenc, la romance chez le jeune Debussy ou Fauré, l'harmonie tantôt modale, l'atmosphère chez Ravel et Debussy, et de merveilleux poèmes chez tous.
La mélodie française est un style des plus exigeants. Quelles sont les difficultés à surmonter et les écueils à éviter pour trouver le ton juste ?
Il est vrai que la mélodie française demande une attention particulière au texte pour le rendre le plus intelligible possible, ainsi qu'une grande rigueur vocale. Le ton juste se trouve dans la composition du programme pour offrir un vrai moment de théâtre et d'intimité au public.
On vous associe principalement au répertoire baroque, est-ce que cet album découle d’une volonté de ne pas vous enfermer dans une catégorisation que l’on applique trop souvent aux artistes ?
Aujourd'hui les chanteurs ne sont plus les interprètes d'un répertoire unique. Le monde de la musique a évolué, nous permettant de brasser une grande partie de l'histoire de la musique. Tant que mon instrument me le permet, je me délecte de chanter aussi bien la musique ancienne que Mozart, la musique romantique française, contemporaine...
Est-ce que le répertoire contemporain vous attire ?
Oui, absolument ! J'ai d'ailleurs quelques projets de créations à venir !
Vous serez sur la scène de La Monnaie de Bruxelles le 16 septembre prochain. Sur cette scène vous aviez chanté dans la très contestée production de Die Zauberflöte de Mozart selon Roméo Castellucci. Deux ans après cette production, que retenez-vous de cette expérience ?
Romeo Castellucci est de ceux qui donnent du sens à chaque projet qu'ils mettent en scène. Die Zauberflöte et Orphée et Eurydice de Glück m'ont particulièrement marquée. Cependant je suis ravie de retrouver le public Bruxellois dans ce programme intime, par la mélodie française, je m'adresse directement à eux.
Vous avez participé au festival Pulsations à Bordeaux, initié par votre mari le chef Raphaël Pichon. Ce festival s’est monté en quelques semaines dans la période difficile que nous traversons. Est-ce que ce type de manifestation préfigure le monde de la musique classique du futur avec des initiatives instantanées menée à l’ombre des institutions ?
Ce festival a vu le jour dans le contexte extrêmement rigoureux que nous connaissons. L'ensemble Pygmalion a pu jouer dès cet été, le public bordelais était au rendez-vous. Mais n'oublions pas les merveilles d'hier, le nouveau monde n'existe pas. La solidarité est le mot d'ordre en ce moment plus que jamais, et bien sûr, nous avons besoin des institutions, des fidèles sur scène, derrière le rideau et dans la salle. Nourrissons-nous surtout de cet enthousiasme qui était palpable à Bordeaux, à la sortie de mois de silence !
L’opéra est encore l'arrêt sur la plupart des grandes scènes du monde depuis le début du confinement. En France, on s’inquiète de la situation financière de l’Opéra de Paris. L’opéra dans sa conception “luxueuse” et “prestigieuse” pourra-t-il survivre à la crise actuelle ?
Oh quelle question ! Je tenterai un "bien sûr nous y arriverons !" Soignons avant tout l'éducation musicale, faisons découvrir notre merveilleux métier à notre public de demain. Et n'ayons pas peur !
Le site de Sabine Devieilhe : www.sabinedevieilhe.com
Sabine Devieilhe sera en concert au théâtre de La Monnaie de Bruxelles le 16 septembre prochain avec Alexandre Tharaud. Elle reprendra ce programme le 25 novembre sur la scène de la Philharmonie de Luxembourg. La chanteuse sera de retour à Bruxelles pour un récital avec orchestre le 6 janvier 2021 au Palais des Beaux-Arts : l’Orchestre symphonique de La Monnaie sera dirigé par Raphaël Pichon.
- A écouter :
Chanson d'Amour. Sabine Devielhe, soprano ; Alexandre Tharaud, piano. 1 CD Warner Classics. www.warnerclassics.com/release/chanson-damour (parution le 11 septembre).
Crédits photographiques : Jean-Baptiste Millot / Parlophone Records Ltd
Propos recueillis par Pierre-Jean Tribot