Schumann à la mode Mahler (II)

par

Robert Schumann (1810-1856) : Symphonie n°3 en mi bémol majeur op. 97 ; Symphonie n°4 en ré mineur, Op.120. Ré-orchestration de Gustav Mahler (1860-1911).  ORF Vienna Radio Symphony Orchestra, Marin Alsop.  2020. LIvret en allemand et anglais. 55’45’’. Naxos. 8.574430. 

Marin Alsop et son orchestre radio-symphonique de Vienne clôturent ici leur intégrale des symphonies de Schumann ré-orchestrées par Gustav Mahler dont nous avions évoqué le premier volet, il y a quelques semaines. 

Notons que pour ce travail sur les œuvres, Mahler n’a pas ajouté d’instruments à la nomenclature envisagée par Robert Schumann. Une partie de son action a porté sur des modifications dues à l’amélioration technique des instruments, à l’image de la paire de timbales. Du temps de Schumann, elle devait garder à peu près le même accord tout au long d'un mouvement, ainsi  il en découlait des dissonances ou des omissions à des endroits où les timbales étaient naturellement indiqués. Grâce au nouveau mécanisme de pédale, les timbales pouvaient désormais rapidement changer de ton et Mahler a par conséquent modifié un nombre de notes dans les parties de timbales afin d'éviter les dissonances involontaires de Schumann. Il a par ailleurs ajouté quelques notes, par exemple dans les mesures 145 et 219 du premier mouvement de la Symphonie n°4 : Mahler souligne le demi-ton dramatique des contrebasses en laissant les timbales les suivre. 

Au niveau de l’orchestration même, Mahler a voulu éclaircir les nuances et amaigrir l'instrumentation afin d'améliorer l’équilibre entre les mélodies et leur accompagnement. Si ces modifications touchent majoritairement les parties de vents avec des nuances corrigées pupitres par pupitres et une suppression des doublements, les cordes sont parfois imposées : dans la coda du dernier mouvement de la Symphonie n°4, Mahler choisit de ne pas réduire des bois mais de renforcer la ligne mélodique aux violons I et II en ajoutant les altos dans les mesures 839-46. Dans cette Symphonie n°4 dont il y eu 2 éditions du vivant de Schumann, en 1841 et en 1851, il restaure des détails abandonnés par le compositeur. Le travail sur les nuances donne indubitablement un aspect plus brassé et dramatique : au début du dernier mouvement de la Symphonie n°3 où les huit premières mesures sont répétées, Schumann demande “forte dolce” la première fois et seulement un "forte" à la reprise. Mahler changea ceci en un contraste presque trop violent entre "pp dolce" et "double forte".

Toute cette somme de petites actions, prises indépendamment, apparaissent comme des petits détails, mais elles deviennent au fil des mesures, une réappropriation personnelle par l’un des plus grands maîtres de l’orchestration de l'Histoire de la musique. C’est pour cela qu’il faut écouter et considérer ces versions Mahler. 

Marin Alsop dirige ces deux symphonies avec un grand respect du travail de Mahler et une recherche de ce qui peut vraiment faire sonner ces partitions dans l’esprit de cette réorchestration. Les effets d’orchestration sont plus appuyés et les tempi sont légèrement retenus. Si la version enregistrée à Leipzig avec le Gewandhaus sous la direction de Riccardo Chailly est insurpassable, cette nouvelle proposition est intéressante. On regrette juste une prise de son un peu mate et étouffée en dépit d’un orchestre compact et homogène qui semble prendre du plaisir à révisiter Schumann.

Son 8 - Livret 8 - Répertoire 7 - Interprétation 9

Pierre-Jean Tribot

 

Vos commentaires

Vous devriez utiliser le HTML:
<a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <s> <strike> <strong>

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.