Sinfonias de la fratrie Bach : un nouveau et splendide jalon dans la discographie !

par

BACH SONS. Johann Christian BACH (1735-1782) : Sinfonia en sol mineur, Op. 6 n°6. Johann Christoph Friedrich BACH (1732-1795) : Sinfonia en ré mineur, WFV I:3. Wilhelm Friedemann BACH (1710-1784) : Sinfonia en ré majeur, Fk 64. Carl Philipp Emanuel BACH (1714-1788) : Sinfonias en mi mineur et en fa majeur, Wq 177 & 181. ControCorrente Orchestra. Juillet 2019. Livret en anglais, français, allemand, italien. TT 54’38. Passacaille 1074.

Comme l’explique l’instructif livret (et joliment présenté), les œuvres au programme s’inscrivent à la charnière du Baroque et du Classicisme : un pont entre le moule tripartite, l’expression « galante », vers le modèle de la symphonie moderne qui sera fertilisé par Mozart et Haydn. Parmi les écoles européennes (le cantabile des Italiens, le Rococo des Français), le style allemand fut sans doute le plus perméable, s’infiltrant encore de l’influence du contrepoint, dans un cadre harmonique rénové, et ouvert à l’expression des émotions (Empfindsamer Stil). Nuançons toutefois : on ne saurait cloisonner ou résumer simplement les diverses mouvances de ce langage, même en s’en tenant à la famille Bach qui s’illustra au début de la seconde moitié du XVIIIe Siècle. Quand ils écrivirent ces Sinfonias, les quatre fils de Johann Sebastian exerçaient dans différentes aires : Wilhelm Friedemann à Halle, Carl Philipp Emanuel à la Cour de Frédéric II, Johann Christian à Londres (après son séjour milanais qui influença sa sensibilité), Johann Christoph Friedrich à Bückeburg. 

Les effectifs pouvaient varier selon les musiciens à disposition, notamment pour les cordes. Le présent disque a suivi la nomenclature prescrite par Johann Joachim Quantz dans son Traité de 1752 : six violons, alto, violoncelle, contrebasse. Plus basson et clavecin pour la basse continue. Ainsi que les vents : deux hautbois (jouant le traverso pour les mouvements centraux), deux cors. 

Une bonne moitié des œuvres est commune avec le Musik der Bach Söhne que Concerto Köln grava pour Capriccio en février 1988, un des premiers enregistrements du célèbre ensemble de Cologne, et toujours un mètre-étalon pour ce répertoire. Quant aux « Berliner Sinfonien » du second fils, on peut toujours réentendre avec plaisir le pionnier Hartmut Haenchen (Eterna, mars 1985). Eh bien, voilà la relève assurée ! L’équipe de ControCorrente, qui joue sur instruments d’époque (ou copies), et sans chef, chaque soliste fier de contribuer à l’entreprise collective, vient de poser un fier jalon dans la discographie : vivacité du trait, évidence de la couleur, netteté de la perspective, assurance du geste, cohésion implacable. N’en jetez plus, c’est parfait ! Ou quasiment dira le tatillon : une pointe de sauvagerie supplémentaire au début de la Sinfonia en mi mineur ? Des Andante un peu moins glabres ? notamment le amoroso de Johann Christoph Friedrich qu’on aurait souhaité un tantinet plus expressif. Du moins, la palette reste élégante et harmonieuse, et d’un bout à l’autre du disque l’on se trouve grisé avec une rare subtilité. Alors taisons tout scrupule, oublions que ce CD est un peu court (cinquante-quatre minutes) : ce qu’on nous offre ici reflète un magnifique travail qui est passé à deux doigts d’un Absolu de Crescendo. À tel point qu’on implore une suite : il reste de quoi s’alimenter dans la production de la fratrie !

Christophe Steyne

Son : 10 – Livret : 10 – Répertoire : 9 – Interprétation : 10

 

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