Sonorités viennoises au fil du temps 

par

Wiener Oktett The Decca Recordings. 1948-1972. Livret en anglais. 24 CD Decca Eloquence 484 2220. 

New Vienna Octet. Vienna Wind Soloists The Decca Recordings. 1977-1992. Livret en anglais. 18 CD Decca Eloquence 484 2248. 

Decca Eloquence nous plonge dans un récit interprétatif unique : 40 d”évolution musicales des solistes des Wiener Philharmoniker à travers deux coffrets centrés sur les enregistrements Decca (et DGG) du Wiener Oktett et de son successeur le New Vienna Octet ainsi que son émanation les Vienna Winds Soloists. 

Dès la fin du du XIXe siècle, les Wiener philharmoniker avait déjà posé les bases d’une solide réputation de viviers d’ensemble de chambre de haut vol : la notoriété du Quatuor Rosé de l'époque de Mahler ou du Quatuor Barylli, dans le fin des années 30 en témoigne. De plus, la tradition de pratiquer de la musique de chambre, entre-soi élitiste de la Hausmusik, était très présente dans la culture viennoise. La somme de ces deux traditions va ainsi construire la légende de ces solistes du plus prestigieux des orchestres viennois.  En 1947, les frères Boskovsky, le violoniste Willi et le clarinettiste Alfred, sont les chevilles ouvrières de la création du Wiener Oktett. En 1948, l’ensemble signe un contrat d’enregistrement avec Decca. Cet ensemble va être, jusqu’en 1972, une référence du catalogue Decca et un étalon dans le répertoire chambriste avec en tête de gondole de l’Octuor de Schubert et des partitions de Mozart et Beethoven. Walter Boskovsky est le trait d'union au fil de cette histoire. En 1972, seuls deux membres de la formation sont encore présents et Alfred Boskovsky pense à la relève car le Wiener Oktett enregistre un dernier album pour Decca en remettant sur le métier l’Octuor de Mendelssohn.  Il a ainsi choisi des jeunes membres du Philharmonique de Vienne afin de pérenniser le savoir-faire interprétatif avec le création du New Vienna Octet qui resigne d’emblée chez Decca pour un contrat d’enregistrement.  Le clarinettiste Peter Schmidl, qui prit le relais de Boskovsky fonda par ailleurs les Vienna Wind Soloists pour le répertoire plus spécifique du quintette à vents. 

Dès lors, ces deux coffrets sont fabuleux pour documenter l'évolution du son. De la première période, des années 1950 et 1960, il faut apprécier ce soyeux à la rondeur fruitée. Le trait n’est jamais forcé et tout semble dialoguer avec une logique et un naturel évident. L’ensemble est aussi à son aise seul qu’avec des solistes comme le grand Clifford Curzon ou le Viennois Walter Panhofer. Même si la soyeuse reste une constante, on découvre au fil du temps, une certaine standardisation, le moelleux fruité se perd un peu pour une optique plus claire dans le rendu. Tout s’imbrique encore avec la même sensibilité et évidence, mais la mécanique devient plus internationale et quelque part plus rutilante, plus à même d’internationaliser les œuvres jouées. 

Au niveau du répertoire, il faut prendre ces coffrets comme des millésimes que l'on savoure : 4 fois l’Octuor de Schubert,  4 fois de le Septuor  de Beethoven, 4 fois le Quintette avec Clarinette de Mozart. L'amateur d'interprétation a de quoi se livrer au jeu des comparaisons. Mais il est impossible de dire que telle ou telle lecture est la meilleure ! Comme un vin millésimé, chacune de ces lectures présente les plus hautes qualités. L’ensemble tire vers le haut des œuvres malgré tout assez rigides comme l’Octet et le Nonet de Louis Spohr tour en magnifiant par la qualité du dialogue chambriste les partitions plutôt secondaires de Mozart comme ses Divertimento.  La musique moderne et contemporaine n’est pas oubliée avec des œuvres de Benjamin Britten, de Paul Hindemith mais aussi une partition du Belge Marcel Poot. De leur côté les Vienna Wind Soloist seront plus aventureux en regardant en mode 360 degrés, avec d’emblée un album Jacques Ibert, Leoš Janáček, Paul Hindemith et György Ligeti. Ils poursuivront cette versatilité   en passant avec aisance de l’Italien Giuseppe Maria Cambini aux Français Paul Taffanel et Jean Françaix.  Ces virtuoses se sont même confrontés, avec brio, au redoutable Quintette à vents d’Arnold Schoenberg et ses quarante minutes plutôt dogmatiques (seul incursion des artistes chez le label DGG).  

Certes, ces deux coffrets en édition limitée, visent un public spécifique qui n'a pas peur de nombreux doublons mais qui se passionne pour l'histoire de l'interprétation et le répertoire des vents. Les livrets de plume de Peter Schmidl en personne sont passionnants. 

Note globale : 10

Pierre-Jean Tribot

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