Promenades chez Bach, Vivaldi et Goldberg avec Giuliano Carmignola et Mario Brunello
« Sonar in Ottava ». Antonio VIVALDI (1678-1741) : Sinfonia pour cordes RV 125 ; Concertos pour violon et violoncelle piccolo RV 508 et RV 515. Jean-Sébastien BACH (1685-1750) : Concertos pour violon et violoncelle piccolo BWV 1043 et BWV 1060R. Johann Gottlieb GOLDBERG (1727-1756) : Sonate pour cordes. Giuliano Carmignola, violon ; Mario Brunello, violoncelle piccolo à 4 cordes ; Accademia de l’Annunciata, direction : Riccardo Doni. 2020. Livret en anglais, en allemand, en français et en italien. 69.58. Arcana A472.
S’il vous arrive d’avoir le moral défaillant, l’une des meilleures solutions pour retrouver la forme est de vous immerger dans un bain de notes réjouissant et enthousiasmant. Voici, à cet effet, un CD de musique baroque émerveillée, tout disposé à dispenser du bonheur. Intitulé Sonar in Ottava (Jouer à l’octave), il associe les contemporains Bach et Vivaldi, mais aussi Goldberg, qui fut un élève de Bach et dont le nom évoque les célèbres Variations. La notice livre le projet de ce programme haut en couleurs par la voix conjointe des deux solistes : Le jeu consiste à concilier le somptueux violonisme « baroque » avec le son intrigant d’un grand violon, ténor, ou violoncelle piccolo à quatre cordes mi-la-ré-sol, les mêmes que le violon, mais une octave plus bas. Le texte précise : Avec ces deux voix éloignées d’une octave, le dialogue n’est plus d’égal à égal, l’interaction s’apaise, les imitations prennent de nouvelles couleurs, la voix supérieure essaie de faire la grosse voix et la voix grave s’amuse à devenir subtile.
Sur leurs instruments respectifs, Giuliano Carmignola et Mario Brunello révèlent ainsi leur envie de partager leur passion commune pour le XVIIIe siècle ; ils sont accompagnés par l’Accademia dell’Annunciata, formation sur instruments d’époque fondée en 2009 à Abbiategrasso, non loin de Milan, et dirigée par Riccardo Doni. Cet ensemble a déjà enregistré avec ces deux solistes. Avec Carmignola, c’était en 2016, des concertos pour violon de Felice Giardini pour le label Stradivarius ; avec Brunello, un Tartini en 2019, que l’on annonce comme publication à venir. La connivence entre tous ces partenaires est si évidente qu’elle semble couler de source. Dans le cas de Vivaldi, ils se lancent dans un parcours qui peut s’assimiler à une promenade à travers les petites places et les ruelles de Venise, avec des couleurs variables et nuancées et des atmosphères chaudes et animées. Les mouvements vifs des concertos sont enlevés avec verve et les Largos sont nobles. Quant à la Sinfonia RV 125, son dynamisme interne est des plus séduisants. Cette flânerie au cœur de la Sérénissime, c’est encore la notice qui la suggère, avec raison : elle ouvre bien des perspectives de « parcours complices » pour cet échange entre le violon et le violoncelle, qui prend la place d’un autre violon dans les RV 508 et 515.
On découvre aussi sur ce disque jouissif deux concertos de Bach BWV 1043 et 1060R (ici, c’est le hautbois que le violoncelle remplace) dans des transcriptions au sein desquelles le dialogue est plus complexe en termes de densité, mais les partenaires trouvent un bel équilibre dans ce contexte de lyrisme intense. Johann Gottlieb Goldberg est, pour sa part, représenté par une sensible Sonate pour cordes dont on suit le déroulement des quatre mouvements avec plaisir.
La qualité sonore de cet enregistrement réalisé du 26 au 30 juin 2018 dans l’église du Convento dell’Annunciata, à Abbiategrasso, en région milanaise, est plus qu’exemplaire : les magnifiques instruments solistes (un somptueux Guarneri pour Carmignola, une majestueuse copie d’Amati pour Brunello) révèlent une présence très proche et les basses, un frémissement qui se prolonge même dans le silence.
Son : 9 Livret : 9 Répertoire : 10 Interprétation : 9
Jean Lacroix