Sophie Rosa et Ian Buckle, un duo et une redécouverte : Hélène de Montgeroult

par

La violoniste Sophie Rosa et le pianiste Ian Buckle nous proposent la première au disque de la sonate d’Hélène de Montgeroult, compositrice française oubliée. Cette partition est mise en regard avec des oeuvres contemporaines de Viotti, Mendelssohn et Weber pour cet album Rubicon. Crescendo Magazine, qui aime particulièrement ce qui sort des sentiers battus, vous propose une rencontre avec ces deux interprètes. 

Votre nouvel enregistrement présente des œuvres de Viotti, Weber, Mendelssohn et Montgeroult. La grande découverte de votre disque est le premier enregistrement au monde de la Sonate d'Hélène de Montgeroult. Que pouvez-vous dire de cette compositrice ? Comment pouvez-vous définir son style ? Quelle est sa place dans l'histoire de la musique ? 

Montgeroult était à Paris à la fin du XVIIIe et au début du XIXe siècle et, à son époque, elle était très appréciée en tant que pianiste, professeur et compositrice. Sa contribution la plus influente en tant que compositrice est un livre de 114 Etudes de piano publié en 1816 dans le cadre de sa méthode d'enseignement, le Cours complet pour l'enseignement du forte-piano. 

Dans ce volume, elle a considérablement influencé le cours du piano et de la composition pianistique à l'époque romantique, en anthologisant et, dans de nombreux cas, en inventant un grand nombre d'idiomes, de gestes et de figures qui seront associés aux compositeurs romantiques ultérieurs. Elle était convaincue que le piano était capable d'un jeu soutenu et expressif, même sur les instruments pionniers de l'époque ; et elle est une figure centrale dans l'orientation des tendances de la composition pour piano vers un style bel canto. En résumé, sa mission, comme l'indique la préface du Cours complet, était de "faire chanter le piano". 

Comment avez-vous redécouvert cette compositrice ? 

Je joue les études de piano de Montgeroult en concert depuis de nombreuses années et je les utilise également lorsque je travaille avec mes étudiants car elles offrent un équilibre parfait entre les défis techniques et musicaux. Après avoir regardé ce qu'elle avait écrit d'autre, j'ai été surpris et ravi de voir que l'une de ses neuf sonates pour piano propose un accompagnement optionnel au violon. J'ai donc demandé à Sophie si elle voulait bien la jouer avec moi. Nous l'avons vraiment appréciée et nous avons pensé que nous pourrions essayer.

Comment avez-vous conçu ce programme ? 

Ayant décidé que nous voulions enregistrer le Montgeroult, et en regardant de plus près son parcours, nous avons appris que Montgeroult et Viotti collaboraient fréquemment en duo et qu'il semblait naturel de mettre leurs musiques ensemble. Le style propre à Viotti s'était développé à la lumière des développements de la fabrication des archets, une nouvelle virtuosité colorant son penchant pour les lignes de chant italiennes. Nous avons ensuite suivi le fil et constaté que les jeunes Felix et Fanny Mendelssohn avaient pris des cours de piano et de musique de chambre avec des protégés de Montgeroult et Viotti, et qu'ils avaient été influencés par ces deux musiciens à un stade crucial de leur développement. La Sonate de Mendelssohn sur notre album représente à bien des égards une synthèse des innovations de Viotti et Montgeroult -une pièce lyrique et contemplative d'une étonnante maturité pour un compositeur de 14 ans. La pièce de Weber est dans notre répertoire depuis un certain temps, et son inclinaison légère sur le médium sonate donne une belle fin de programme optimiste. 

Comment les différentes œuvres de votre album reflètent-elles l'évolution de la composition pour violon et piano ?

L'un des thèmes-clés de l'album est l'idée d'accompagnement. Dans les œuvres de Mendelssohn et de Weber, nous avons les premiers exemples de la sonate romantique en duo qui a atteint sa maturité : les instruments sont des partenaires égaux, chacun jouant un rôle de soliste ou d'accompagnateur en constante évolution au fur et à mesure que le récit musical se développe. D'autres pièces se réfèrent à des modèles classiques antérieurs avec une hiérarchie plus clairement définie. Dans le Montgeroult, nous avons une sonate complète pour piano seul, avec une partie optionnelle pour violon, à la manière des Sonates pour clavier avec violon de son professeur Dussek ; le violon apporte principalement une texture et un commentaire plutôt qu'une voix mélodique indépendante. En revanche, la Viotti se rapproche encore plus du baroque -ici, le compositeur nous donne une partie de violon solo entièrement écrite, avec l'ajout seulement d'une ligne de basse de soutien au-dessus de laquelle le pianiste improvise l'accompagnement. 

Quand on lit sa biographie, on se rend compte qu'en plus d'être compositrice, Montgeroult est attachée à son temps. Est-elle un modèle pour nous ? 

Elle a été la première femme professeur de piano au Conservatoire de Paris lors de sa création en 1795, et elle était très engagée dans son enseignement. Dans le Cours complet, elle nous a donné l'une des œuvres pédagogiques les plus importantes pour le piano -dès sa publication, elle a été immédiatement adoptée dans toute l'Europe, et elle informe encore aujourd'hui sur notre façon de jouer et d'enseigner.

Avez-vous déjà des projets pour d'autres redécouvertes ? 

Nous nous penchons actuellement sur l'intéressant répertoire anglais des quelque 100 dernières années et nous publierons un assortiment d'une demi-douzaine de miniatures en vidéo dans le courant de l'année.

  • A écouter : 

Sonates de Montgeroult, Viotti, Mendelssohn et Weber.  
Sophie Rosa, violon et Ian Buckle, piano. 1 CD Rubicon.  RCD1056

 

Propos recueillis par Pierre-Jean Tribot

 

 

Vos commentaires

Vous devriez utiliser le HTML:
<a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <s> <strike> <strong>

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.