Sur les chemins buissonniers du romantisme avec Cyrille Dubois

par

So Romantique ! Cyrille Dubois, ténor ; Orchestre national de Lille, direction : Pierre Dumoussaud.  2022. Livret  en :  français, anglais, allemand. Textes chantés en : français et anglais. Alpha 924

« Si romantique » ? ou « So romantic » ? Certes, le mot romantique séduit en lui- même tandis que le préfixe anglais ajoute une touche d’ironie... mais le barbarisme « so romantique » reflète-t-il le programme qui nous est présenté ?

Et déjà, de quel romantisme s’agit-il ?

Les œuvres composant ce récital, sous forme d’extraits, furent écrites pour l’Opéra Comique, la salle Favart ou encore l’Opéra de Nice. Elles n’appartiennent pas au répertoire de l’Académie, Royale, Impériale ou Nationale (appellation variant selon les aléas de l’histoire) lorsque les fastes du « Grand Opéra Romantique » dans les années 1828-1840 stupéfièrent l’Europe et le Nouveau Monde (Lorenzo Da Ponte s’y faisait alors ambassadeur de Rossini et beaucoup d’autres).

Parmi les pièces choisies, la plupart sont postérieures à l’éruption des années 40, à l’exception de La Dame Blanche (Auber) qui la précède. Si elles élargissent le spectre du romantisme, elles ne le résument pas. Elles se situent à la périphérie du grand mouvement né dans le sillage révolutionnaire et napoléonien. Ce qui n’enlève rien à leur charme (La Fille du régiment), à leur caractère insolite (Lakmé) ou grandiloquent.

Elles se distinguent surtout par des contrastes de forme, de style, de sujet. Ainsi de La Barcarolle d’Auber et Scribe créé à l’Opéra Comique en 1845 à côté de l’opéra historique Raymond d’Ambroise Thomas représenté 6 ans plus tard, en passant par le « drame lyrique » en trois actes, Myriane, de Charles Silver datant, lui, de 1913.

Oppositions de ton également. La frêle et jolie « Romance » d’Alvar (Pedro de Zalamea) composée par Benjamin Godard semble ployer sous l’emphase du « Roman d’Elvire » (1860) qui lui succède. Si la Dame Blanche, les Mousquetaires de la Reine (Fromental Halevy) ou le « Fabliau » extrait du «Médecin malgré lui »(Gounod ) trouvent une source commune dans la fraicheur et les ornements naturellement coulants de l’ancienne pastorale, le « clair matin » élégiaque (Xavière) de Théodore Dubois est une découverte, tout autant que l’ampleur fièvreuse de Charles Silver soutenue par un Orchestre National de Lille très expressif.

Ce dernier se fait caméléon sous la direction de Pierre Dumoussaud. Bien allant et réactif, il lui arrive de céder à une vaillance factice (Raymond) mais aussi de prêter de la délicatesse aux répliques de Wilhem (Mignon) du même Ambroise Thomas.

Le ténor Cyrille Dubois répond-t-il au portrait du « ténor de grâce à la française » annoncé dans la notice ? 

La taxinomie ne s’étant immiscée dans la musique qu’à la charnière des XIXe et XXe siècles et l’existence comme les contours de cette figure mythique restant sujets à polémique, on s’attachera plutôt aux fines qualités d’interprétation d’un chanteur éclectique, à la carrière sur scène déjà riche et remarquée.

D’un phrasé élégant, il sait alterner véhémence et résignation dans le rôle de Smith (La jolie fille de Perth de Bizet, 1867) puis ferveur sincère dans l’air de Landry, « Au clair matin », (Xavière de Théodore Dubois). Juvénile dans la célèbre cavatine de la Dame Blanche, « Viens gentille dame », (Boieldieu), agile sans ostentation dans l’exultation du Tonio de Donizzetti, il sait convaincre et se mettre au service de la partition.

En revanche, Ambroise Thomas le pousse dans ses retranchements au détriment de la diction. Ainsi le Bon-heur (aigu sur la deuxième syllabe) devient le Bon-Airr ; la loi où l’on devrait entendre la lou-â (aigu sur la deuxième syllabe) devient la lou-é, le tout dans une sorte de hoquet, index 3.

En outre, le ténor a tendance à forcer un instrument dont l’intérêt résulte plus de son habileté et de son engagement que de ses qualités naturelles.

Belle surprise enfin avec Louis Clapisson : à une ligne vocale noble et tendre répond une orchestration aussi aérienne que dramatique (Gibby la Cornemuse et le Code noir).          

Son : 10 - Livret :  10- Répertoire : 9 - Interprétation :  10

Bénédicte Palaux Simonnet

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