Surprises improbables

par
Lawalrée1

A la demande de “Crescendo”, j’ai accepté d’écrire ce qui suit, en témoignant que l’improbable peut arriver dans la vie, pour peu que l’on accepte de prendre distance.

La vie nous réserve parfois d’agréables surprises, surtout lorsque nous la laissons faire. Jeune, nous croyons souvent qu’il nous faut la forcer en essayant de provoquer ce que nous espérons. Les artistes, plein d’ambitions, sont alors impatients.
Comme compositeur, je n’ai eu que peu d’illusions quant à la diffusion de ma musique, que je savais peu “commerciale”, entre autres parce qu’elle se plaçait pour certains “entre catégories”. Je travaillais dans le monde du classique, tout en incorporant dans mes pièces des influences venant du jazz et, ô audace, du rock (on était alors dans les années '70, donc celles du rock dit “progressif”, c’est-à-dire plus artistique que simplement pop).
Comme j’étais l’interprète pianiste de mes propres oeuvres, j’ai dès le début préféré diffuser ma musique sur disques plutôt que sur partitions. Ainsi, ma musique existait pour ceux qui voulaient l’entendre. Mon absence d’illusions eut pour conséquence la création de mon propre label discographique WALRUS, devenu plus tard MUSIC TODAY. C’est ainsi que, au fil des années, j’ai publié une quinzaine de 33 tours, puis plus tard des CD’s.
Mais qu’en est-il des surprises annoncées plus haut? En voici deux.
Il y a une dizaine d’années, un couple de réalisateurs de films me contacte, car il avait entendu et aimait ma Symphonie de l’espoir, enregistrée par la BRT (producteur : Baudewijn Buckinx) qui la diffuse encore régulièrement, et publiée en 33 T. (depuis longtemps épuisé). Ces réalisateurs voulaient en utiliser un extrait pour leur prochain film, ainsi que l’entièreté de mon quatuor à cordes Arches, dont ils trouvèrent le CD chez un disquaire qui leur avait donné mon adresse. Et ce film, KHADAK, aux images admirables, fut primé dans plusieurs festivals dans le monde, dont un lion d’or pour le meilleur premier long métrage d’un jeune réalisateur à la prestigieuse Mostra de Venise. Première surprise donc, par définition inattendue.
Lawalree2En voici une deuxième : il y a quelques mois, un jeune musicien new-yorkais me contacte par mail, m’écrivant : “Enfin je vous trouve. J’aimerais vous rencontrer et suis prêt à venir jusque Bruxelles”. Le jour fixé, il avait avec lui plusieurs de mes albums 33 T. Très étonné, je me demandais comment il les avait trouvés. “Celui-ci à New York, me dit-il, celui-là à Philadelphie …” etc. Je précise qu’il n’était pas né au moment de leur publication. Il m’explique qu’il a un label de disques et qu’il veut éditer un album-anthologie reprenant plusieurs extraits de mes six premiers disques (76 – 82). Je vais d’étonnement en étonnement, mais je décide de lui faire confiance et de ne surtout pas intervenir dans quoi que ce soit, comme le choix des morceaux et de la pochette. Quelques mois passent, et un beau jour je reçois un mail m’avertissant que le disque (un 33 T. vinyl, ceux-ci étant inexplicablement revenus à la mode) allait sortir. Et de fait, intitulé FIRST MEETING et édité chez Catch Wave Records, le disque sort en mars dernier et est très bien distribué, y compris en Europe. C’est ainsi qu’un jour de juin, me promenant dans une grande surface rue Neuve, un magasin bien connu pour son rayon disques et fréquenté par des clients “qui ne sont pas fous”, je tombe nez à nez avec l’album exposé “en facing”. Dans la foulée, plusieurs articles élogieux paraissent dans des revues new-yorkaises et londoniennes. Et me voici à présent en tournée, accompagné de musiciens américains, lesquels ont écrit des arrangements “de chambre” sur plusieurs pièces du disque. Surprise supplémentaire lorsque nous nous sommes retrouvés à Eupen, au festival Meakusma où j’ai pu entendre ces arrangements. Nous avons depuis joué à Londres la semaine dernière. Dans le public, des connaisseurs qui avaient mes disques (je n’aurais jamais pu l’imaginer), dont certains très rares (par exemple le EP Six jours à Barcelone de 1983). AMAZING ! Nous avons joué ce samedi à Bruxelles, et jouons à Rotterdam cette semaine, puis à New-York en novembre.
Voilà donc les bons côtés de la vie, lorsqu’on laisse les choses être, sans ambition et illusions, mais tout en gratitude. Cela compense bien des difficultés et moments de découragements.
Dominique Lawalrée

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