‘Belle époque’. Oeuvre de Claude Debussy (1862-1918), Manfred Trojahn (1949), Gabriel Pierné (1863-1937), Johannes Brahms (1833-1897), Charles-Marie Widor (1844-1937). Annelien Van Wauwe, clarinette ; Orchestre National de Lille, direction : Alexandre Bloch. 2019. Llivret en anglais. 59’50, Pentatone, PTC 5187
Dans le cadre de la journée de l’Europe du 9 mai, nous avons eu le bonheur d’entendre l’European Union Youth Orchestra à Bozar. Chaque année, plus de 2500 jeunes musiciens âgés de 16 à 26 ans venant des 27 pays membres de l’Union Européenne postulent pour faire partie de cet ensemble. Seuls 120 d’entre eux sont choisis, les futurs membres des plus grands orchestres internationaux. Reconnu dans le monde entier, l’orchestre profite de l’expérience des plus grands chefs invités. Pour cette tournée, c’est au chef français Alexandre Bloch de guider ces jeunes talents dans cette aventure musicale unique.
Qui dit journée de l’Europe dit discours. Après une brève introduction du directeur de Bozar monsieur Christophe Slagmuylder, nous avons eu droit à un très long discours de Madame la Ministre des Affaires étrangères Hadja Lahbib sur les valeurs de l’Union Européenne.
Pour commencer ce concert, nous avons pu entendre la création belge de l'œuvre Eutopia de la compositrice belge Annelies Van Parys. Inspiré des idéaux de fraternité et de paix chers à l’Union Européenne, ainsi qu’ils le furent à Ludwig Van Beethoven, l'œuvre reconstruit notamment la mélodie de Tous les hommes deviennent frères du compositeur allemand, d'abord en majeur, puis en mineur. Très atmosphérique, la composition d’Annelies Van Parys demande d’accorder un soin tout particulier au mélange des timbres. La qualité et la pureté du tapis sonore réalisé par les cordes de l’orchestre européen fut très impressionnante. La balance, parfaitement maîtrisée par Alexandre Bloch, a permis d’entendre précisément tout ce qui se passait dans l’orchestre, sans pour autant toujours discerner quel instrument était responsable de tel ou tel effet. Des effets, il y en avait tout particulièrement aux percussions dont l’utilisation très contemporaine a demandé l’utilisation d’archet et de différentes baguettes très spécifiques. Il faut saluer le travail des percussionnistes qui en ont parfaitement bien géré le niveau sonore. La pièce fut très bien accueillie par le public qui a chaudement applaudi les musiciens et la compositrice, présente pour l’occasion.
Alexandre Bloch et l’Orchestre national de Lille ont imaginé un cycle de concerts sur l’un des compositeurs les plus représentatifs de notre temps : George Benjamin (né en 1960). À cette occasion, deux grandes œuvres sont entrées au répertoire de l’ONL : le Concerto pour orchestre et l’opéra Written on Skin. Entre les deux, un concert flash autour de Piano Figures par l’ensemble Miroirs Étendus.
Le concert du 18 janvier, sous la direction de George Benjamin lui-même, est construit avec des pièces qui ont marqué sa vie de compositeur, mais aussi en quelque sorte en hommage à la France. Le compositeur lui-même confie à Alexandre Bloch, le directeur musical de l’ONL, qu’il s’agit d’un programme « très personnel ». Les Offrandes oubliées pour évoquer Olivier Messiaen qui, en tant que son professeur de composition dès l’âge de 16 ans, a joué « un rôle capital » dans sa vie et « éprouve une gratitude infinie à son égard ». Il considère La Mer de Debussy comme « le sommet de l’art de Debussy », avant d’ajouter qu’il a entendu ce triptyque pour la dernière fois à Londres, juste avant le confinement, dirigé par… Alexandre Bloch ! Et, entre eux, Lontano de Ligeti, le compositeur qu’il a bien connu personnellement.
Ses gestes jamais brusques dans sa direction font transparaître sa grande sensibilité aux timbres que proposent différentes combinaisons d’instruments, ainsi que son écoute aiguisée jusqu’au moindre détail. Ainsi, dans son Concerto pour orchestre, où les cordes, les bois, les cuivres et les percussions donnent des figures sonores diversifiées, contrastées et fusionnées, tantôt en se mêlant, tantôt en se chevauchant. La musique, bien que qualifiée d’« insaisissable » par le compositeur, est un festin de timbres. Sur un tapis sonore créé par une pédale de plusieurs instruments, parfois tel un orgue à bouche, chaque instrument a un moment de solo, court ou long. On sent dans l’interprétation la concentration des musiciens au plus haut niveau, pour répondre à la subtilité de la partition et aux indications exigeantes du compositeur. Dans Ligeti, les extraordinaires bois au début lancent un élan qui traverse toute l’œuvre, alors que les effets divers de la nature dans La Mer -changement de lumières, miroitement d’eau, balancement de vagues ou sifflement du vent ; écumes, houles, déferlement- sont minutieusement détaillés par la direction de George Benjamin qui ne laisse échapper les moindres intentions de Debussy.
Béla Bartók (1881-1945) : Concerto pour orchestre, Sz.116 ; Concerto pour alto, Sz.120. Amihai Grosz, alto ; Orchestre national de Lille, Alexandre Bloch. 2022. Livret en : français, allemand et anglais. 61’32”. Alpha 1013.
Francis Poulenc (1899-1963) : La Voix humaine, pièce en un acte de Jean Cocteau ; Sinfonietta. Véronique Gens, soprano ; Orchestre National de Lille, direction Alexandre Bloch. 2021. Notice en français, en anglais et en allemand. Texte complet de la pièce en français. 70.47. Alpha 899.
C’est l’une des parutions les plus attendues de ce début d’année : le nouvel enregistrement de La Voix Humaine de Poulenc par Véronique Gens accompagnée de l’Orchestre National de Lille sous la direction d’Alexandre Bloch (Alpha). Alors qu’elle vient de triompher, en concert, à Lille et Paris, la grande chanteuse répond aux questions de Crescendo-Magazine.
La Voix humaine de Poulenc est une œuvre très particulière dans le répertoire lyrique. Qu’est ce que cette partition représente pour vous ? Quel a été votre premier contact avec elle ?
C’est une œuvre que j’ai longtemps eu peur d’aborder pour multiples raisons : la longueur de cette « scène lyrique », un monologue sans aucun répit ; sa durée avec quarante cinq minutes d’une intensité vocale et d’une violence psychologique que j’appréhendais beaucoup. C’était comme une chose inévitable et inaccessible à la fois. Il fallait être prête à de multiples points de vue : vocalement car l’orchestre est très lourd et large ; physiquement car c’est une pièce longue, et évidemment psychologiquement du fait de la violence incroyable. Jean-Claude Malgoire m’en a parlé le premier. Pendant des années, il m’a poussée à l’aborder ; j’ai finalement accepté de m’y frotter parce que c’était lui, parce que c’était dans l’intimité idéale du Théâtre de Tourcoing et de son Atelier lyrique où j’ai eu la chance de faire tant de prises de rôles. Il a assisté à la première et nous a quittés le lendemain.
L’interprétation de La Voix humaine a été marquée par des grandes artistes, Denise Duval, Janes Rhodes, Françoise Pollet, Felicity Lott. Est-ce que leurs interprétations sont pour vous une source d’inspiration ?
Bien sûr, j’ai vaguement écouté les versions dont vous parlez,…mais je n’aime pas trop essayer de copier les autres et j’aime bien me faire ma propre idée d’une pièce quand je l’aborde pour la première fois. J’ai beaucoup réfléchi au texte de Jean Cocteau et, comme je le fais toujours, j’ai tenté de le dire tout simplement, avec honnêteté et sincérité. C’est un texte très moderne, comme une simple conversation qui pourrait avoir lieu aujourd’hui ( sauf la dame qui vous met en relation avec votre correspondant, et l’autre dame qui écoute votre conversation…quoique …aujourd’hui on peut hacker votre téléphone !)
Qu’est-ce qui vous a poussée à enregistrer cette œuvre ? Est-ce qu’elle est l’aboutissement de votre réflexion artistique qu'incarnent les albums "tragédiennes" ?
J’ai passé une bonne partie de ma vie de chanteuse à interpréter des femmes trahies, trompées, abandonnées et malheureuses mais toujours amoureuses. Cette pièce est un concentré de toutes ces femmes désespérées, de ces tragédiennes folles amoureuses, et je commence à avoir une sacrée expérience de la façon dont je veux les interpréter. La clef est juste la sincérité. On ne ressort pas indemne de ces rôles lourds psychologiquement et on y laisse toujours une partie de soi, même si on sait que ce n’est que du théâtre.
Lille est une ville chanceuse. Non contente d’être la « Capitale des Flandres », le berceau du Général de Gaulle, d’abriter en son sein des joyaux comme la Grand Place, Notre Dame de la Treille ou le LOSC, c’est aussi un véritable phare de la vie musicale française dont les gardiens ont été le légendaire Jean-Claude Casadesus et maintenant le dynamique Alexandre Bloch.
Dynamique c’est le mot ! Quelle énergie, quelle fougue réunies en un seul homme, c’est bluffant pour ne pas dire irrésistible ! Au pupitre, il emporte tout sur son passage. La jeunesse est au pouvoir du côté du Nouveau Siècle mais pas seulement ; il y a aussi une grande finesse et un sens de la nuance qui font des merveilles dans le répertoire français qui était au programme ce vendredi 4 novembre 2022. Vous l’avez déjà compris nous avons passé une excellente soirée en compagnie de l’Orchestre National de Lille.
La soirée débuta avec le Prélude à l'après-midi d'un faune de Claude Debussy. Très vite se dessine ce qui sera les axes forts de ce concert : clarté, transparence et vivacité. Tout s’entend, rien ne nous échappe, c'est formidable ! On monte sereinement vers la lumière à l’image du poème de Mallarmé qui inspira Debussy. La sensualité se diffuse amoureusement grâce à la mélodie de la flûte du faune. C’est une vision dense doublée d’un prodigieux achèvement sonore. On retrouvera cet élan romantique au moment du bis : Pavane pour une infante défunte de Maurice Ravel. Debussy, Ravel…et Berlioz. Le made in France était à l’honneur.
Gustav Mahler (1860-1911) : Symphonie no 7 en mi mineur. Alexandre Bloch, Orchestre National de Lille. 2019. Livret en français, anglais, allemand. TT 74’16. Alpha 592
Ces 24 et 25 septembre (jour de notre présence), l’ONL faisait sa rentrée au Nouveau Siècle. Sans présumer de ce qui conduisit à choisir la Fanfare for the commonman d’Aaron Copland pour introduire la saison 2020-2021, on réalise combien cette pièce d’inspiration anti-impérialiste (1942), hommage aux gens ordinaires, entrait en résonance avec le contexte pandémique qui a renforcé les solidarités, la conscience citoyenne, le courage quotidien et a promu de nouveaux héros, altruistes, au sein de la société civile. L’ensemble de cuivres se déployait en tribune sur l’arrière-scène : les trois trompettes à gauche, les quatre cors face au public, les trois trombones et le tuba à droite, tous surplombant la percussion (timbales, grosse caisse, tam-tam). Cette spatialisation ne pouvait que solenniser et impressionner l’écoute. Le bref morceau, aussi édifiant qu’émouvant, s’afficha avec une autorité glabre et tendue, dans un silence recueilli.
Les exigences de distanciation peuvent inciter à une programmation de plein orchestre en petit effectif, ou alors dissocié par familles d’instruments. Ainsi la cérémonie du 60e anniversaire de l’Orchestre Philharmonique de Liège, annoncée pour le 3 octobre, pousse-t-elle l’exercice à aligner des œuvres successivement pour cuivres, pour cordes, pour bois puis pour percussion. Sans verser dans ce compartimentage, ce soir à Lille, on n’entendrait plus les cuivres. Sauf deux cors dans le Concerto pour violoncelle en ut majeur de Haydn qui invitait Edgar Moreau, vedette de la nouvelle génération dont la stature internationale brille comme l’on sait. Précisons que c’est Mozart qui était initialement prévu, sous l’archet de Nemanja Radulović, mais le violoniste serbe était empêché pour des raisons de précaution sanitaire : on espère le retrouver à la mi-octobre en ce même lieu dans un récital avec piano.
Cet été, l’Orchestre National de Lille a créé les « Nuits d’été », un nouveau rendez-vous dédié aux grands chefs-d’œuvre de l’art lyrique. Les 9, 11 et 12 juillet dernier, l’Auditorium du Nouveau Siècle a vu naître une version inédite de Carmen de Bizet, en concert.
Alexandre Bloch, directeur artistique de l’ONL depuis trois ans, poursuit saprogrammation novatrice. Après « concerts Flash » (concerts courts à l’heure du déjeuner), « Bord de scène » (rencontre avec des artistes après le concert en bord de scène), répétitions ouvertes, « Just play » (interaction avec le public par le biais numérique) ou encore « Afterworks », sans oublier des ciné-concerts et des traditionnelles tournées dans la région, le jeune chef invente une nouvelle formule ouverte à tous, les « Nuits d’été ». Pour cette première édition, Alexandre Bloch souhaitait montrer une Carmen différente, qui permette d’aller en profondeur dans la musique, la relation entre les chanteurs et avec l’Orchestre. Pour ce faire, il a remplacé toutes les parties parlées de l’opéra-comique par une narration, faisant appel à l’humoriste et homme de média Alex Vizorek. Ce dernier interrompt l’œuvre dès la fin de l’ouverture pour lancer les premiers mots au micro. Un petit choc. Mais on comprend vite qu’il s’agit de « récit » et on s’habitue naturellement à ce système inédit. Il revient souvent au texte de Prospère Mérimée, la nouvelle publiée en 1847, et lit des passages qui correspondent à chaque scène donnée ; il insère également ça et là ses propres commentaires piquants, suscitant sourires ou rires francs dans l’auditoire. L’objectif d’aller vers le public, si cher à l’Orchestre, est pleinement atteint, d’autant que la direction d’Alexandre Bloch (la première dans cet opéra) est très engagée et que l’ONL se montre très réactif.
Camille SAINT-SAËNS (1835 - 1921) Premier concerto pour violoncelle - "Mon coeur s'ouvre à ta voix" - Suite pour violoncelle Jacques OFFENBACH (1819 - 1880) Barcarolle - Introduction, Prière et Boléro - Les Larmes de Jacqueline - "Je suis Brésilien"
Camille THOMAS (violoncelle), Orchestre National de Lille, dir.: Alexandre BLOCH
2017-68' 15''-Texte de présentation en anglais, allemand et français-DG 479 7520