Tempora mutantur (« les temps changent »)

par

C’est le sous-titre que Haydn donna à sa Symphonie en la majeur, jouée au premier des trois concerts gratuits échelonnés sur un long week-end festif à l’Opéra de Dijon. Fermé au public depuis de longs mois, il marque ainsi sa réouverture ainsi que le lancement de la saison prochaine. « Tempora mutantur » puisqu’à l’équipe de Laurent Joyeux a succédé celle de Dominique Pitoiset qui s’est entouré de Bruno Hamard, qui vient de l’Orchestre de Paris après avoir administré l’Odéon, et de Stephen Taylor dont on a en mémoire les mises en scène de l’Atelier lyrique de l’Opéra National de Paris.

Le concert d’Amandine Beyer, conduisant ses musiciens de Gli Incogniti -qui ne le sont plus, fort heureusement- s’ouvre par la Symphonie Hob.I:47 en sol majeur de Haydn, écrite « in nomine Domini », le titre « palindrome » étant apocryphe, bien que parfaitement fondé. Après l’allegro aux modulations parfois ambigües et les variations contrapuntiques du mouvement lent, le menuet et son trio sont en effet construits « al reverso », c’est-à dire que leurs secondes phrases sont la reprise textuelle de la première en commençant par la dernière note, certains diraient « à l’écrevisse ». Le finale, contrasté, violent et gracieux, porte la marque du « Sturm und Drang ». La réussite est manifeste : animés par Amandine Beyer, comme Haydn en son temps, les musiciens, debout, forment un ensemble particulièrement dynamique, homogène et clair. La connivence est manifeste, chacun écoute l’autre.

Pratiquement contemporaines sont les deux symphonies suivantes. Celle de C.P.E. Bach, en si mineur (H 661-Wq 182/5), est écrite pour cordes et basse continue, cinquième d’une commande berlinoise du Baron Van Swieten. Elle ne saurait être confondue avec celles qui l’encadrent : l’écriture en est singulière, versatile, alliant séduction et rage, poésie et tension dramatique, tendresse et passion. Tempi, métrique, rythmique sont mouvants, avec des ruptures tonales surprenantes. L’allegretto respire l’animation. Le larghetto enchaîné est splendide. Quant au presto final, endiablé à souhait, il renoue avec cette écriture où les parties s’unissent ou s’opposent en des figures originales. Une œuvre forte, découverte pour la majorité du public, qui pourra renouveler son plaisir avec le CD sorti en mars.

La Symphonie Hob.I:64 qui suit, « Tempora mutantur », en la majeur, pétille d’intelligence et d’humour, renvoyant autant à Mozart qu’au musicien de Frédéric le Grand (dans le largo, particulièrement). Écrite (comme la 47) pour cordes, basson, deux cors, deux hautbois, on attendait un allegro con spirito plus enjoué, vif mais détendu. Le largo, tendre, aux modulations éplorées précède naturellement le menuet. Celui-ci, allegretto, noté ¾, est pris ici en un temps et paraît un peu précipité. Le presto conclusif, faux-rondo, malgré le retour d’un refrain, nous ravit. Musiciens et public ne le sont pas moins, de chaleureux applaudissements, comme les rappels, en témoignent.

Dijon, Auditorium, 19 juin 2021

Crédits photographiques : Pierre Séchet

 

Vos commentaires

Vous devriez utiliser le HTML:
<a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <s> <strike> <strong>

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.