Trois premières gravures mondiales à la mémoire de Penderecki

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Penderecki In Memoriam. Artur Malawski (1904-1957) : Toccata pour petit orchestre. Joanna Wnuk-Nazarowa (°1949) : Lamento pour hautbois et cordes. Krzysztof Penderecki (1933-2020) : Epitafium Artur Malawski in memoriam, pour cordes et timbales ; Sinfonietta n° 2, version pour hautbois et cordes ; Sinfonietta n° 3 « Feuillets d’un journal non écrit », version pour cordes. Mariusz Pedzialek, hautbois ; Orchestre philharmonique de chambre polonais de Sopot, direction : Rafal Janiak. Notice en polonais et en anglais. 61.11. Dux 1903. 

La ville polonaise de Sopot forme, avec Gdansk et Gdynia, une vaste entité portuaire sur le côté sud de la mer Baltique. Le présent album est non seulement un hommage à la mémoire de Krzysztof Penderecki, mais aussi à l’Orchestre Philharmonique de Chambre de Sopot, qui, depuis sa création en 1982, a régulièrement inscrit à ses programmes des pages du compositeur, ce dernier y ayant activement participé à plusieurs reprises. Il salue aussi l’initiative de son directeur, le Professeur Wojciech Rajski, qui a mis en place, depuis 2011, un concours biennal de composition qui porte le nom de Penderecki.

L’hommage est large : il salue d’abord la mémoire du compositeur et chef d’orchestre Artur Malawski, contraint, à l’approche de ses trente ans, d’abandonner sa carrière de virtuose du violon en raison d’un problème à la main gauche. Il poursuit alors sa carrière comme organisateur de concerts de musique polonaise et comme pédagogue à Cracovie. Parmi ses élèves, figurent notamment Witold Rowicki, Jerzy Semkov et Krzysztof Penderecki. On entend ici sa Toccata de 1947, une page d’un peu plus de six minutes, d’inspiration néoclassique, qui, au-delà d’un lyrisme bien présent, comporte aussi des séquences rythmiques enlevées. Malawski décède le 26 décembre 1957. Dans les mois qui suivent, Penderecki compose l’Epitafium Artur Malawski in memoriam, longtemps demeuré non publié. Il s’agit ici du premier enregistrement mondial de cette œuvre fortement émotionnelle, qui exprime le chagrin ressenti par la disparition d’une personnalité appréciée. Le discours musical fait la jonction entre le dodécaphonisme et la musique atonale et des aspects néoromantiques. La présence de timbales renforce les effets douloureux de ce morceau en deux mouvements, d’une durée globale d’une dizaine de minutes.

Le Lamento de Joanna Wnuk-Nazarowa, lui aussi gravé en première mondiale, vient renforcer la sensation de chagrin. Cette compositrice et cheffe d’orchestre a été une élève de Penderecki à Cracovie. Elle a aussi été nommée au poste de ministre des Arts et de la Culture de 1997 à 1999, avant de devenir directrice des programmes de l’Orchestre symphonique national de la Radio polonaise à Katowice, de 2000 à 2018. Ecrit pour hautbois et cordes, ce Lamento de 1983/84 est une page contemplative, au sein de laquelle on ressent une certaine intensité marquée de fatalisme, l’instrument soliste se révélant assez emphatique, dans un climat globalement lent et très prenant, au sein duquel surgissent des gradations, comme des appels de l’au-delà.

Retour à Penderecki pour la Sinfonietta n° 2 de 1994, écrite pour clarinette et cordes, arrangement du Quatuor pour clarinette et trio à cordes de l’année précédente. C’est l’époque où, comme le signale la notice, le compositeur envisage désormais son idéal artistique dans la clarté du propos et se tourne vers la musique de chambre. On découvre ici, toujours en première gravure mondiale, la version pour hautbois et cordes, la présence de ces dernières mettant en valeur le côté intimiste de cette partition. L’émotion est sans cesse palpable, aussi bien dans le Notturno enchanteur que dans un espiègle Scherzo ou une dansante Sérénade. Le Larghetto final, Abschied, se déroule dans un climat automnal qui incite à la rêverie comme à la méditation, porté par des cordes qui respectent la narration mystérieuse et lointaine du hautbois. La Sinfonietta n° 3, dans sa version pour cordes de 2012 (il s’agissait d’abord d’un quatuor écrit en 2008), évoque, par son sous-titre « Feuillets d’un journal non écrit », des étapes imaginaires de l’évolution esthétique de Penderecki, avec des réminiscences de la tradition classique ou romantique, mais aussi des échos bartokiens. Cette page d’une grande portée lyrique, en un seul mouvement, offre des contrastes d’atmosphère au cours de son déroulement, mais confirme surtout l’évolution du compositeur vers un dépouillement stylistique qui parle au cœur. On rectifiera d’office le minutage signalé pour cette page : elle dure deux fois plus longtemps que ce qui est indiqué.

L’interprétation du Polonais Mariusz Pedzialek (°1956), au hautbois, et de l’Orchestre de chambre de Sopot, mené avec finesse par Rafal Janiak (°1986), un élève d’Antoni Wit, est à la hauteur du projet : claire, équilibrée, lyrique et intériorisée. Cet enregistrement, effectué à Gdansk du 18 au 23 juillet 2022, vient enrichir la discographie de Penderecki. 

Son : 9  Notice : 9  Répertoire : 10  Interprétation : 10

Jean Lacroix

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