Un album fait maison consacré à Steve Reich

par

Steve Reich (*1936) : Nagoya Guitars (transcription de Nagoya Marimbas pour deux guitares par David Tanenbaum, en collaboration avec le compositeur) ; Electric Counterpoint for live guitar and tape ; Electric Guitar Phase for live guitar and tape (transcription de Violin Phase par Dominic Frasca, en collaboration avec le compositeur) ; Clapping Music for two performers. Pierre Bibault, guitare. 2021. 42’58 ; Livret en français et anglais. 1 CD Inde 154.

C’est un album littéralement fait maison que nous propose le guitariste Pierre Bibault, qui s’évade par le songe et par la musique du profond silence ressenti lors des longs mois de confinement covidesque. Le guitariste multi-facette qui maîtrise l’instrument sous sa forme classique comme électrique a donné vie l’année dernière à un projet longtemps réfléchi consacré à la musique de Steve Reich. Une musique suspendue dans le temps, une musique avec laquelle nous nous laissons aller dans nos pensées qui voyagent.

Les environnements sonores constitués de trains en marche et de battement d’ailes de pigeons sont sources d’inspirations pour le compositeur américain. Son écriture canonique fait naître des couleurs, des rythmes et des mélodies à partir de motifs simples répétés et traités sous forme de déphasage. Le ressenti qui en découle s’illustre par une teinture statique et répétitive, qui progresse inexorablement et sans brutalité vers une destination inconnue. 

Mis à l’honneur dans cet album, le père de la musique minimaliste n’a pourtant écrit que très peu d’œuvres pour la guitare, parmi elles citons Electric Counterpoint dédiée au virtuose du Jazz Pat Metheny. Pierre Bibault valorise toutefois le potentiel que la guitare électrique peut offrir à ce répertoire, de par ses infinies possibilités de timbres ainsi que pour ses qualités en termes de palette rythmique. Seul, il prend le rôle simultanément d’une dizaine de musiciens en enregistrant préalablement et bande par bande les différentes voix qui interagissent entre elles en polyphonie. En prenant le parti pris de réaliser les enregistrements seul et sans passer par un studio professionnel, il donne une dimension plus artisanale et humaine à cette musique presque mathématique, laissant toutefois transparaître certaines instabilités dans le rythme, audibles notamment dans les deux dernières pistes du CD.

Ce qui fait la force de ce disque, c’est l’homogénéité et l’originalité au niveau des timbres choisis. Chaque piste est enregistrée avec le même matériel d’enregistrement, le même ampli et le même instrument -une Fender Telecaster fait main aux qualités sonores exceptionnelles- que le musicien manie avec habileté pour enrichir les pièces avec ses propres phrasés et des attaques choisies pour mettre du relief aux motifs. La texture du son est généralement moins concrète et nette que dans d’autres enregistrements connus, mais plus en écho et en rondeur. Cette sonorité plutôt rêveuse donne une saveur nouvelle à la musique de Steve Reich et offre la possibilité à l’auditeur claustré de s’échapper dans son imaginaire.

Lionel Lutgen

 

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