Un oratorio de Noël en kit, puisé au baroque germanique

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O Jesulein. Wolfgang Carl Briegel (1626-1712) : Dies ist der Tag des Fröhligkeit. Andreas Hammerschmidt (c1611-1675) : Maria gegrüsset seist du ; Freude, grosse Freude ; Ach mein herzliebes Jesulein ; Wie bin ich doch so hertzlich froh ; Wo ist der neugeborne König ; Mein Sohn, warum hast du uns getan ? Johann Schelle (1648-1701) : Nun komm der Heiden Heiland. Christoph Bernhard (1628-1692) : Fürchtet euch nicht. Michael Praetorius (1571-1621) : Es ist ein Ros’entsprungen ; Puer natus in Bethlehem. Christian Flor (1626-1697) : Pastores currite in Bethlehem. Franz Tunder (1614-1667) : Ein kleines Kindelein. Heinrich Schütz (1585-1672) : O bone Jesu, fili Mariae. Thomas Selle (1599-1663) : Angelus ad Josephum. Dieterich Buxtehude (1637-1707) : Wie schön leuchtet der Morgenstern. Johann Rudolf Ahle (1625-1673) : Herr, nun lässest du deiner Diener. Samuel Capricornus (1628-1665) : Sonata ab 8 Instrument [extrait]. David Pohle (1624-1695) : Nascitur Immanuel. Johann Christoph Bach (1642-1703) : O Freudenzeit, o Wundernacht. Clematis. Capucine Keller, Julia Wischniewski, soprano. Paulin Bündgen, contreténor. Zachary Wilder, ténor. Philippe Favette, basse. Stéphanie de Failly, Florence Malgoire, violon. Ellie Mimeroski, Jorlen Vega Garcia, alto et violon. Sarah van Oudenhove, basse de viole. Anaïs Ramage, flûte à bec, basson, tournebout. Elsa Frank, flûte à bec, schalmey, tournebout. Jérémie Papasergio, basson, tournebout, bombarde basse, cervelas. Jérôme Lejeune, tournebout. Brice Sailly, orgue. Décembre 2021. Livret en anglais, français, allemand (pas de texte des compositions vocales et leur traduction, néanmoins disponibles sur le site Outhere). TT 74’23. Ricercar RIC444

En commémoration d’Heinrich Schütz, décédé trois cent cinquante ans auparavant, Namur accueillait en décembre passé la reconstitution d’un oratorio de Noël, qui est encore l’affiche du Grand Manège ce jeudi 8 décembre 2022 : un assemblage de chorals et musique instrumentale émané d’une quinzaine de compositeurs allemands du XVIIe siècle, contemporains ou héritiers du « Sagittarius ». L’année 2021 était décidément propice à la célébration de la Nativité, puisqu’on honorait aussi le quatre-centième anniversaire de la disparition de Michael Praetorius, auteur de l’arrangement du célèbre Es ist ein Ros’entsprungen, dont les paroles chantent le divin Enfantement. Dans un livret qui sous sa plume, comme à l’habitude, s’avère aussi érudit qu’accessible, Jérôme Lejeune détaille le programme, conventionnel : chœur introductif pour le couronnement de la Vierge, Annonciation, Les Anges, Les Bergers et l’adoration de la crèche, Les Trois Rois, la Présentation au Temple, Prêche de Jésus, conclusion.

Le répertoire a largement puisé au référentiel fonds Düben, conservé à la Bibliothèque d’Uppsala. Andreas Hammerschmidt, qui laisse une quinzaine de recueils de musique sacrée, fournit l’essentiel des contributions présentes dans cet album. On relève toutefois quelques noms moins notoires, comme Thomas Selle, plutôt connu pour ses Passions mais qui légua à sa ville de Hambourg nombre de volumes pour l’année liturgique. En revanche, peu d’œuvres subsistent de David Pohle, élève de Schütz.

Le livret concède quelques secrets de fabrication, qui n’ont hésité ni à l’hybridation (Fürchtet euch nicht parachevé par une polyphonie empruntée à Hammerschmidt ; chœur final structuré sur… un extrait de cantate funèbre) ni à la dramatisation : interposition d’un Alléluia après Mein Sohn, warum hast du uns getan, lui-même précédé du décorum d’une sonate de Capricornus. Des arrangements instrumentaux tirés de l’œuvre d’orgue de Dieterich Buxtehude et Johann Schelle intègrent aussi le tableau.

On notera le soin apporté à la couleur instrumentale et sa réalisation : recourant à la douceur des flûtes à bec ou au timbre rustique des anches ; mêlant altos et bassons pour Herr, nun lässest du deiner Diener ; conjoignant quatre violons dans Nascitur Immanuel. Au rayon du pittoresque de circonstance, le Zymbelstern (sorte de jeu de clochettes rotatif qui orne les buffets d’orgue, notamment en Allemagne du Nord) n’a pas été oublié : le facteur Dominique Thomas a fourni un modèle portatif !

Par sa discographie et ses concerts, on sait l’équipe Clematis à son aise dans ce baroque germanique : elle apporte à cette Nativité une délicate vocalité, baignée dans un accompagnement tout aussi nuancé. On succombera à la tendresse de Paulin Bündgen dans Ein kleines Kindelein, au subtil vibrato de Zachary Wilder dans Wie bin ich doch so hertzlich froh, on sera impressionné par la noirceur de Philippe Favette dans la scène du temple. Les ensembles sont précisément ajustés, finement pigmentés (O bone Jesu, fili Mariae). Une indéniable émotion se distille au fil des numéros, mais le contraste expressif aurait gagné à se creuser au gré des séquences. L’enthousiasme inhérent au sujet s’éclipse parfois, même en des instances de liesse aussi attendues que le Puer natus in Bethlehem. L’imagerie associée à la naissance du Jesulein se fait ici sage et timide : on feuillette ce CD moins comme une vivante historia que comme une galerie d’enluminure, ce qui n’ôte rien à la suggestivité de l’instant.

Son : 8,5 – Livret : 9,5 – Répertoire & Interprétation : 8,5

Christophe Steyne

 

 

 

 



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