Une très louable intention qui nous laisse perplexe...

par

Alessandro DELLA CIAIA
(v1605- v.1670)
LAMENTATIONI (v.1650)
Roberta INVERNIZI,
soprano,
LABORATORIO
'600
2016- 2 CD- CD1 57'38- CD2 48'38- présentation en anglais, français, allemand- textes en latin et anglais-chanté en latin- Glossa N° CCD 922 903

Au delà d’une très louable intention (faire connaître une œuvre et un compositeur quasi inconnu) ; au delà d'un beau travail d'archives, de mise en perspective, de véritable résurrection, l'audition laisse perplexe. Coté positif : si Bernardino Della Ciaia ou Ciaja (Sienne 1671-Pise 1755) est assez bien « repéré » dans l'histoire de la musique (religieuse), son ancêtre siennois Alesandro Della Ciaia ou Ciaja (vers 1605-vers 1670) l'est beaucoup moins. Les rares documents le concernant nous le montrent riche aristocrate, chanteur « charmant », claveciniste émérite jouant plus pour lui même que pour se faire éditer – à l'exception notable de ces Lamentations imprimées en 1650 (aux côtés de Madrigali Venise de1636 et des Lamentatio virginis de 1666) et, semble-t-il destinées à quelques congrégations religieuses siennoises. Le jeune ensemble Laboratorio'600 -au nom assez clair... se spécialise depuis peu dans la création musicale du XVIIe siècle et s'est emparé avec courage ! -des fameuses lamentations pour nous en révéler l'originalité, la beauté, la quasi-nouveauté : le Siennois a quand même été devancé par... Palestrina, dès les années 1574-88. Nul besoin d'être juif ou chrétien de religion pour être saisi par ces 5 poèmes élégiaques, les 4 premiers étant disposés en acrostiches, chacune étant « introduite » par une lettre de l'alphabet hébraïque (ALEPH, BETH, GHIMEL, DALETH,...). Or voilà bien le début d'une certaine déconvenue : à aucun moment de cet enregistrement, nous ne sentons la douleur du prophète : les titres (Aleph, Beth,...) qui devraient jaillir du cœur sont énoncés sans implication intime, d'une façon extérieure, impavide. Si, entre chaque section une intéressante Toccata nous est offerte, signée par quelques contemporains (Galilei, Saracini, Bernia), on n'éprouve ni passion, ni émotion à l'audition des Lamentations elle-mêmes. A cela deux raisons : le soprano de la jeune soliste manque de profondeur, de densité. Car cette musique exige un timbre moins anguleux, un geste vocal souverain et non abrupt, une caressante science des dissonances, une intonation onctueuse. Ici, hélas, la rhétorique se fait rudesse ou stridence. Les notes tenues qui se mettent à vibrer en fin de course fatiguent par leur systématisme tandis que les ornements manquent de souplesse. Ce répertoire qui réclame bien plus d'incandescente intériorité que de démonstration théâtrale était-il bien adapté à cette interprète, également trop exposée. A l'opposé du luth timide de Franco Pavan. L'école musicale de Sienne à l'image de sa célèbre peinture, mérite d'être plus encore explorée et célébrée. Un début !
Bénédicte Palaux Simonnet

Son 6 - Livret 7 - Répertoire 7 - Interprétation 7

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